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chute des grandes écoles que les Juifs espagnols et portugais avaient fondées dans la Péninsule. Longtemps les chrétiens furent tributaires des Juifs pour la version des livres saints, et même dans des villes universitaires où autrefois les Israélites n’étaient pas tolérés, on aimait à s’entourer de Juifs érudits pour approfondir le texte hébreu. On prétend aussi que les ministres protestans chargés de la traduction de la Bible ont profité de leurs lumières dans la langue qu’aimait à cultiver au XVIIe siècle la savante Anne-Marie Schuurmans. Aujourd’hui, après les travaux des grands orientalistes Schultens et van der Palm, les études hébraïques sont beaucoup plus répandues parmi les chrétiens, et le consistoire protestant s’occupe en ce moment, dans les Pays-Bas, d’une nouvelle traduction de la Bible en langue nationale. Celle qui existe est d’ailleurs un vrai monument littéraire. Elle fut ordonnée par le synode de Dordrecht de 1618 à 1619, on s’accorde à la trouver énergique, majestueuse et puissante ; mais on lui reproche de ne plus être à la hauteur des nouvelles recherches sur les racines de la langue hébraïque. Le parti orthodoxe, auquel il faut toujours rattacher le nom de M. Groen van Prinsterer, et qui se distingue par une haine vigoureuse de toutes les innovations, s’oppose à un essai d’interprétation nouvelle que le progrès de la science philologique a pourtant rendu inévitable. Seuls d’ailleurs les Israélites possèdent les lumières traditionnelles qui peuvent jeter du jour sur un texte obscurci par le temps. La littérature hébraïque, en dehors de la Bible et du Talmud, offre d’abondans témoignages de la souplesse et de la pénétration de l’esprit israélite ; on étonnerait peut-être bien des gens en leur disant qu’Il y a des milliers de livres écrits en hébreu sar l’histoire, sur la politique, sur toutes les sciences. Les Juifs instruits parlent avec admiration de cette littérature, qui a surtout ses initiés en Allemagne et en Russie.

En Hollande, chaque synagogue se gouverne elle-même et pour voit aux besoins de ses pauvres[1]. Comme cette organisation est calquée à peu de chose près sur le mécanisme de la charité mutuelle que nous avons vu fonctionner dans les Pays-Bas, nous ne nous l’arrêterons point. Il suffira de dire que, relativement à leurs ressources matérielles et à leur proportion numérique (on compte près de 64,000 Juifs dans la Néerlande), la population israélite fait peut-être plus de bien que celle des autres communions religieuses. En présence d’un système de secours si fortement constitué, la justice oblige de reconnaître que le sentiment chrétien a développé, fécondé sans aucun doute les germes de la solidarité humaine, mais que ces

  1. A La Haye est établi le consistoire central des Israélites formé d’une commission principale de sept membres.