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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/791

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la manière de Gérard a d’insuffisant dans la Psyché, c’est parmi les œuvres mêmes du peintre qu’on aurait à choisir, et l’on opposerait à cette insuffisance par excès de recherche la grâce si franche, le naturel exquis que respirent plusieurs de ses portraits de femme. Nous avons parlé du portrait de Mlle Brongniart : celui de Mme Regnaud de Saint-Jean d’Angely, qu’il peignit trois ans plus tard (1798), est peut-être un modèle encore plus accompli de finesse sans minutie et de précision sans sécheresse. D’autres toiles où revivent quelques-unes des femmes les plus distinguées de l’époque peuvent également être citées en témoignage de l’habileté supérieure avec laquelle Gérard gardait la mesure entre une élégance de convention et la servilité du style, entre l’imitation à outrance et l’infidélité. Ainsi le portrait en pied de Mme Récamier n’a-t-il pas tout le charme de la vraisemblance, mais d’une vraisemblance épurée par le goût ? Sans doute ici comme dans le portrait de Mme Regnaud de Saint-Jean d’Angely, la beauté du modèle se prêtait merveilleusement à une simple représentation de la réalité. Toutefois les conditions exceptionnelles de la composition entraînaient certaines difficultés qu’il n’était possible de surmonter qu’à force de tact et de délicatesse. La donnée choisie, ce simulacre du costume et des mœurs antiques, cette salle de bain où la jeune femme se repose dans une attitude pleine d’abandon, tout pouvait, sous un pinceau moins bien prémuni, prendre aisément un caractère équivoque ou même absolument contraire à l’idée de grâce modeste qu’il s’agissait d’exprimer. Assise sous un péristyle dont les colonnes s’espacent au bord d’un bassin entouré d’arbrisseaux en fleur, Mme Récamier semble se réfugier dans l’inaction et dans une rêverie sans objet. Ses traits, sur lesquels erre un demi-sourire, ses bras, qui glissent le long du corps et le long des coussins où elle s’appuie, indiquent la molle fatigue qu’a laissée le moment précédent, moment qu’achèvent d’ailleurs de rappeler les pieds encore nus et une corbeille remplie de linge placée à côté du lit de repos. Une longue robe blanche, dont les plis souples avoisinent les plis fermes et fins d’une draperie en cachemire jaune, revêt la forme sans l’étreindre, et dessine les contours avec une réserve que le goût conseillait, mais que les modes du temps étaient, on le sait, loin de prescrire. Tout enfin, dans l’intention générale comme dans l’ajustement des détails » est exempt de coquetterie aussi bien que d’aridité. Quant à l’exécution, on ne saurait davantage lui reprocher ni une sévérité hors de mise, ni un luxe de mauvais aloi. Le coloris même, sans être riche, ne manque pas de fraîcheur, et n’était le ton un peu lourd de la draperie rougeâtre sur laquelle se détache la tête, les diverses parties du tableau se relieraient heureusement entre elles. Le fait mérite