Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à laquelle avaient appartenu Girodet, Gros et Guérin. Gérard mourut le 11 janvier 1837 à l’âge de soixante-sept ans.

En cherchant à analyser les caractères du talent de Gérard, nous avons dû choisir quelques œuvres principales et en omettre beaucoup d’autres qui expriment incomplètement ce talent, ou ne laissent voir que les défauts qu’il contracta dans sa seconde phase. À plus forte raison nous abstiendrons-nous de parler de certains travaux absolument faibles qui occupèrent les dernières années du maître. On les trouve cependant reproduits dans le recueil gravé qui se publie aujourd’hui ; mais un peu plus de réserve sur ce point eût été préférable. L’ébauche de l’Achille qui figure dans le musée de Caen, la Peste de Marseille, le duc d’Orléans proclamé lieutenant-général du royaume à l’Hôtel-de-Ville, quelques autres compositions non moins défectueuses ne devaient-elles pas rester hors de cause ? Toute proportion gardée d’ailleurs entre les deux artistes, elles sont à peu près aux bons ouvrages de Gérard ce qu’est à l’Assomption et au Martyre de saint Pierre dominicain — la Piètà peinte par Titien à un âge où il avait, lui aussi, le malheur de se survivre. La carrière de Gérard était donc, à vrai dire, terminée plusieurs années avant le jour où il mourut. Encore faut-il ajouter que tout ce qui honore son nom, tout ce qui reste digne d’étude, Il y a produit à une époque bien antérieure à celle où il allait avoir au moins la vieillesse et les infirmités pour excuse. Si cette carrière a été courte, c’est qu’il a plu à l’artiste de l’abréger en escomptant sa renommée durable au profit de son importance actuelle. Les titres de Gérard considéré comme peintre d’histoire se résument tout en tiers dans le Bélisaire, la Psyché, la Bataille d’Austerlitz, — surtout si l’on n’isole pas cette toile des figures allégoriques destinées primitivement à l’encadrer, — et enfin dans l’Entrée de Henri IV. Comme peintre de portrait, il a fait preuve d’une grande fécondité ; mais que l’on choisisse, parmi deux cents portraits qu’il a laissés, ceux qui mériteraient d’être admis dans un musée, à peine arrivera-t-on à en réserver une vingtaine. C’est peu sans doute eu égard au chiffre total, eu égard surtout à ce que l’on avait lieu d’attendre d’un pareil talent ; c’est assez pour assurer au peintre qui les a signés une place entre les plus habiles maîtres de notre école, car plusieurs de ces toiles sont de véritables chefs-d’œuvre, et pour peu qu’on les rapproche des ouvrages du même genre qui ont suivi, elles prouvent aussi clairement la supériorité de Gérard sur ses successeurs que son droit à marcher de pair avec ses devanciers.

Depuis Gérard en effet, quels talens ont soutenu, dans l’art du portrait, l’honneur de l’école française ? Nous ne croyons pas nécessaire de nous arrêter aux portraits peints par M. Hersent malgré le succès qu’ils obtinrent à un certain moment, ni même aux trois ou quatre