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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/81

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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

ensuite la défendre contre eux. Le gouvernement, réduit aux dernières extrémités, lui donna l’ordre de venir près de Florence attaquer l’armée assiégeante. C’était une témérité du désespoir. Ferrucci en jugea ainsi, mais il obéit. Après un combat terrible dans lequel il fit des prodiges de valeur, dévoré par la fièvre, tout le corps entamé par les piques ou troué par les arquebuses, il fut fait prisonnier, et il tomba aux mains d’un Fabrizio Marmaldo qui l’insulta. Ferrucci répondit : « J’ai été battu aujourd’hui et d’autres fois vainqueur ; mais ma république n’est pas vaincue. » Marmaldo le fit désarmer d’abord et ensuite le poignarda.

Aux biographies il faut joindre des lettres d’hommes célèbres, du fameux adversaire de Turenne, Montecuccoli, que nous nous obstinons à appeler Montecuculli, je ne sais pourquoi, peut-être pour l’euphonie, des lettres de Paoli et des lettres de Savonarole. Parmi les lettres de Savonarole, dont le père Marchese est l’éditeur, celles qu’il adresse à sa famille, à sa mère, à sa sœur, à son frère, montrent, au lieu de l’orateur populaire et violent, le religieux plein de piété, de simplicité, et celles adressées à différens princes contiennent des avertissemens et des réprimandes énergiques. On y remarque çà et là des explosions de cet esprit prophétique qui, en présence des vices du peuple et des crimes des princes, faisait découvrir et annoncer à Savonarole les maux qui devaient les punir. La conscience de son bon droit le soutient dans sa lutte avec la papauté, représentée alors, hélas ! par Borgia. Savonarole écrit : « Si Rome est contre moi, sachez qu’elle est contraire non à moi, mais au Christ, et combat contre Dieu. » C’est ainsi que Pascal écrivait : « Si on condamne mes lettres à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le ciel. »

Les Archives ont publié un ouvrage extrêmement précieux, qui concerne Savonarole. C’est un poème italien que frère Benoît de Florence, le disciple et l’ami le plus cher du grand dominicain, écrivit dans la prison où l’avait fait renfermer la hardiesse avec laquelle il défendait la mémoire de son maître. Dans ce poème, assez bizarrement intitulé le Cèdre du Liban, l’auteur raconte sa vie et la vie de celui qu’il appelle son prophète (il propheta mio Savonarola). Les vers qu’il place dans la bouche du prédicateur résument énergiquement ses foudroyantes invectives contre les désordres de l’éghse : « Ô Rome, ô prêtres scélérats !… L’essence du mal, ce sont les prêtres et les moines !… »

La forma di mal far son preti e frati.

Et ses menaces, si tôt et si terriblement justifiées par l’événement : « Rome, tu seras bientôt subjuguée ; je vois venir sur toi le couteau de la colère ! » Le frère Benoît raconte ensuite comment la parole de