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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/83

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L’HISTOIRE ET LES HISTORIENS DE L’ITALIE.

franchise et le droit de transit ; la liberté du commerce était alors beaucoup mieux assurée dans ces régions qu’elle ne l’est aujourd’hui. On voit en outre, par ces documens, que les Vénitiens avaient établi en Arménie, au moyen âge, des fabriques de l’étoffe de laine appelée camelot et un commerce considérable de vins en gros et en détail. Ils spéculaient aussi sur les métaux précieux, et comme l’or avait une plus grande valeur en Arménie, ils l’y portaient pour le frapper. Il paraît qu’ils y eurent la direction de la monnaie royale, et y frappèrent des monnaies sarrasines qui avaient grand cours dans toute l’Asie.

Des renseignemens sur le commerce des Portugais dans l’Inde sont donnés par un voyageur vénitien au service de la république, car on a fait entrer aussi des publications de voyage dans ces Archives historiques et avec raison : les voyages sont parfois de l’histoire quand ils ouvrent de nombreuses relations entre les différens points du globe, et quand ils ajoutent par des découvertes aux possessions territoriales ou à la richesse des états. Dans l’histoire des voyages, on doit donner une place importante à la lettre écrite en 1524 par le Florentin Verazzano à François Ier, et qui jusqu’à ce jour n’était pas connue dans son intégrité. Verazzano est un des premiers qui ait eu une notion claire de l’existence de l’Amérique comme d’un grand continent, sinon pour lui tout à fait séparé, au moins indépendant de l’Asie. On sait que Colomb mourut sans se douter qu’il en fût ainsi, et, après avoir été quatre fois en Amérique, crut avoir été quatre fois sur la côte orientale d’Asie, de sorte qu’on peut dire que, comme il arrive parfois dans l’histoire des découvertes, il a découvert l’Amérique sans l’apercevoir. Il n’en fut pas de même de Verazzano. « La terre qui a été trouvée, dit celui-ci, — il s’agit d’une portion de l’Amérique septentrionale, — était inconnue des anciens, et c’est manifestement un monde autre que celui qui leur a été connu, plus grand que notre Europe, l’Afrique et presque l’Asie. »

Parmi les documens nombreux et variés publiés dans les Archives, il faut citer des textes arabes concernant la Sicile musulmane, traduits et commentés par M. Amari. Je crois qu’on a quelquefois dans le dernier siècle, en haine du christianisme, attribué une trop grande part aux influences arabes dans le développement de la civilisation du moyen âge. Les Arabes me paraissent un peuple peu créateur ; ils ont transmis plus qu’ils n’ont inventé, et quoique leurs mœurs fussent plus élégantes et leur culture plus délicate que celles des peuples chrétiens, je pense qu’il y avait dans le christianisme un principe supérieur et plus fécond. Je ne dirai point, comme M. Amari, que dans les pays conquis par les musulmans en Espagne et en Sicile les races méridionales se sont régénérées comme par enchantement au sein de l’islamisme ; mais je ne veux point nier ce que la Sicile