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SIR ANDREW ASHTON

I

JACQUES BELVAL A JULES BELVAL

(Poste restante, Alexandrie, Égypte).



Talungah bungalow, 17 avril 1855.

Et d’abord, mon cher Jules, que je t’explique en quelles circonstances désastreuses est écrit le véritable volume qui va t’imposer un si ruineux port de lettre, et que je commence par le récit d’un assez complet épisode de voyage d’agrément. J’ai quitté il y a trois jours, trois siècles, le chemin de fer à la station de Ranneegunge (130 milles de Calcutta), pour confier ma personne, confiance imméritée, aux petites voitures qui conduisent le voyageur vers le nord de l’Inde. Au milieu de la nuit, une secousse horrible m’a tiré des douceurs d’un profond sommeil, et, sortant en toute hâte des flancs de mon équipage, j’ai pu saisir d’un coup d’œil, à la clarté d’une pâle lune, toute l’étendue du désastre qui venait d’arrêter ma course. L’essieu cassé, une roue entièrement démolie ; impossible de songer à remettre la boîte roulante en état de service : vingt lieues au moins me séparent d’une station européenne où je puisse trouver quelques secours. Le seul parti à prendre est de gagner à pied l’un des bungalows que le gouvernement entretient de distance à distance sur le Great Trunk Road, et d’attendre en ses murs que la compagnie avec qui j’ai traité prenne en pitié ma déplorable position, et envoie pour m’en tirer un autre véhicule.