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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/901

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bande de territoire resserrée entre le fleuve et une longue chaîne de montagnes. Des maisons en chaume sont le seul refuge que les Bary aient imaginé de se construire contre les pluies diluviennes de l’équateur. Hommes et femmes vont également nus, des anneaux de fer et d’ivoire composent toute leur parure. Les femmes cependant portent sur les reins, dans les grandes occasions, une peau tannée, et en dessous un pagne en fil de coton frotté d’une ocre rouge dont les guerriers ont la coutume de s’enduire tout le corps. Les jeunes filles, dit M. d’Arnaud, portent seules d’habitude un vêtement qui consiste dans un pagne si souple, qu’il dessine toutes les formes de leur corps. Quelques morceaux de drap rouge, des verroteries de toutes couleurs et une grosse cloche, dont les tintemens semblaient une musique délicieuse aux oreilles de ces barbares, furent offerts par notre voyageur au chef delà tribu, et ces présens le comblèrent de joie.

Après M. d’Arnaud, un savant religieux, dom Ignace Knoblecher, chef de la propagande autrichienne à Khartoum et sur le Nil-Blanc, est parvenu en 1848 à un demi-degré plus avant, et il a constaté que le Nil quittait en cet endroit la direction de l’est pour reprendre celle du sud ; de plus les Bary lui ont affirmé que le lit du fleuve se prolongeait bien loin au-delà de leur pays du côté de l’équateur. Enfin M. Brun, Européen d’origine sarde, qui a fixé son existence dans les régions lointaines de la Haute-Nubie, a remonté en 1844 et 1851 le Nil. Dans sa seconde excursion, il a de beaucoup dépassé le point atteint par dom Knoblecher. De Bélénia, capitale des Bary, résidence du chef de cette peuplade et séjour d’un missionnaire de la propagande autrichienne sur le Nil-Blanc, il parvint jusqu’au troisième degré de latitude nord, et obtint de précieux renseignemens sur les tribus qui habitent les deux rives du fleuve jusque sous l’équateur. Entre deux excursions sur le Nil-Blanc, M. Brun a voulu soumettre ses travaux à la Société de Géographie de Paris dont il est membre, et à laquelle il avait adressé dans le cours des années précédentes plusieurs rapports. Voici un court résumé des résultats de son voyage. À l’est et à l’ouest du Nil coulent parallèlement, à quelques journées du fleuve, le Saubat et le Modj. Sur le Saubat, affluent de la rive droite, se trouvent disséminées vers le 5e degré de latitude nord les habitations des Berry, qui sont, au dire du voyageur, les nègres les plus intelligens de cette région. Ils voyagent volontiers et montent vers le nord pour échanger eux-mêmes à Fadassy, qui est le principal marché des populations riveraines des deux Nils, leur ivoire contre du fer, des toiles et des verroteries. Ils n’ont pas la coutume de s’arracher les incisives de la mâchoire inférieure, mais ils se percent la lèvre au-dessus du menton, et dans cette ouverture ils font entrer un morceau de cristal cylindrique, long d’un pouce et demi à peu près. Leurs femmes se percent aussi les oreilles, qu’elles garnissent de grains de verroterie. Le vêtement que portent les Berry est composé de deux lisières perpendiculaires ; l’une, large de cinq pouces, leur couvre la tête et retombe sur les tempes ; l’autre descend jusqu’aux jarrets. Cette étoffe, tissue en cheveux, est garnie de verroteries. « Les Berry, dit M. Brun, sont si fiers de cet ornement, qui les distingue des autres races, que pour en avoir un il m’a fallu m’adresser à leur roi, qui me l’a envoyé accompagné d’un cadeau de sept dents d’éléphant. »

Après cette excursion sur le Saubat et chez les Berry, M. Brun retourna