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être regardée comme le principal des affluens qui dessinent, à son origine, le cours du Nil-Blanc. S’appuyant sur la croyance antique au dieu du fleuve, les voyageurs prétextèrent d’un sacrifice à cette source vénérée pour y porter quelques instrumens afin d’en déterminer la position, et ce fut le 19 janvier 1846 qu’ils purent enfin saluer ce but constant de leurs : recherches.

Il est possible que l’Umo, continuant son immense circuit, remonte du sud-est au nord-ouest et forme un des forts affluens ou peut-être même dessine le cours supérieur du Nil-Bleu, dont les sources visitées par Bruce ne seraient plus qu’un cours d’eau tributaire ; peut-être aussi, poursuivant sa direction de l’est à l’ouest, se perd-il au milieu des marécages qui bordent le Nil-Blanc dans une grande partie de son cours. Quant au fleuve Blanc lui-même, on va voir qu’il en faut chercher les sources, non plus en Abyssinie, non pas à l’ouest, comme l’avaient supposé grand nombre de géographes, notamment d’Anville, mais bien loin vers le sud au-delà de l’équateur.

Quinze ans après avoir élevé au confluent des deux Nils la ville de Khartoum pour remplacer l’ancienne capitale du Sennâr et fortifier sa domination dans les régions du Nil supérieur, Méhémet-Ali, qui prenait un vif intérêt à la solution des questions géographiques, décida qu’une expédition partirait de cette ville et remonterait le fleuve Blanc. Quatre cents Égyptiens, sous la conduite d’un officier, accomplirent en 1840 et 1841 deux voyages qui durèrent chacun de quatre à cinq mois. Le journal du chef de la première expédition, Selim Bimbachi, a été publié par les soins du savant géographe M. Jomard. De précieux renseignemens s’y trouvent consignés sur les populations qui habitent les bords du fleuve Blanc jusqu’au 6° degré de latitude nord. Les Bakharas et les Dinkas, tribus belliqueuses, et dont la principale occupation consiste dans la chasse aux hippopotames et aux crocodiles ; les Chelouks, dont les femmes vêtues de fourrures noires portent à la cheville un anneau de fer, et chez lesquels existe, comme chez beaucoup de peuplades de cette partie de l’Afrique, la singulière coutume de s’arracher quatre dents sur le devant de la bouche ; les Novers ou Nuvirs, remarquables par la chevelure longue et rouge qui les distingue des autres noirs de cette région, virent successivement passer les barques égyptiennes. L’expédition continua à remonter le fleuve en traversant le territoire des Kyks, tribu la plus considérable et la plus puissante des bords du Nil-Blanc, puis des Bounderlehyals et des Heliabs. En cet endroit, le Nil a une largeur de trois milles ; il coule sur un fond de vase et de sable, et les îlots qui ralentissent son cours sont peuplés de crocodiles. Sur la rive droite se trouvent des bois en assez grande abondance ; la rive gauche est couverte de joncs et de broussailles. Un peu plus loin, le fleuve se partage en deux bras ; celui qui court à l’orient est de beaucoup le plus large et le plus considérable ; il n’était cependant pas assez profond pour les bâtimens égyptiens, et Selim fut obligé de redescendre après être parvenu entre les 5e et 6e degrés.

Cet intéressant voyage ne fut que le prélude d’une expédition plus considérable, que Méhémet-Ali confia, en 1841, à un ingénieur français, M. d’Arnaud, qui, ainsi que beaucoup d’autres de nos compatriotes, se trouvait au service du vice-roi d’Égypte. Cet officier remonta le fleuve jusqu’au 4° 42’ de latitude nord. À la nomenclature des tribus précédemment reconnues il ajouta celle des Behrs ou Bary, peuplade considérable et belliqueuse qui habite une