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sous le 7e parallèle 1/2 (nord) environ. Reconnaître ces immenses tributaires du fleuve Blanc, en faire les grands chemins du Soudan central, tel est le problème qui se présentera lorsque celui des sources du Nil aura été complètement résolu[1].

En continuant à remonter le cours du fleuve au-delà de Bélénia, on arrive à des cataractes et à une région semée d’écueils, où l’eau manque souvent aux barques les plus légères, qui touchent à chaque instant. Le fleuve Blanc fait ensuite un coude de douze heures à l’ouest-sud-ouest. Sur la rive droite sont les derniers villages des Bary, et sur la rive gauche ceux des Ouanguarah. L’un des compagnons de M. Brun, M. Ulivi, fit une partie de cette route sur un bateau conduit par huit rameurs. Arrivé au village de Garbo, dont les maisons sont bâties en terre et couvertes de chaume, il fut arrêté par une cataracte qu’il ne put franchir. Cette cataracte est formée par une lisière de rochers entre lesquels le Nil s’échappe en écumant. Quelques-uns de ces rochers forment des îlots couverts de joncs ; ils sont dominés par une haute montagne boisée d’où l’œil peut suivre les sinuosités du Nil à travers le pays accidenté et souvent pittoresque qui s’ouvre à l’horizon. Tantôt on le voit disparaître derrière une montagne au pied de laquelle il serpente, tantôt il se dessine comme un ruban bleu entre les villages et les forêts échelonnés sur ses rives. M. Brun pense que cette cataracte, située sous le 3° degré de latitude, pourrait être franchie à l’époque des crues, mais on serait alors obligé, à cause des vents du sud, de remorquer les barques, et l’on aurait à craindre les hostilités des peuplades riveraines et les terribles ouragans de cette saison.

À partir de cette cataracte, le Nil coule au sud-est. Sur ses deux rives sont répandus les nombreux villages des Makedo. Du pays des Makedo aux montagnes de Kombirat, situées à quelques lieues du sud de l’équateur, et qui sont le point extrême sur lequel M. Brun ait obtenu des renseignemens, il y a douze journées de route, de dix heures chacune, en suivant les contours que fait le fleuve. De nombreuses tribus, dont quelques-unes semblent appartenir à cette famille guerrière des Gallas, qui erre au sein des vastes régions comprises entre l’Abyssinie méridionale et la côte de Zanguebar, sont répandues sur les deux rives du Nil. Chez les Lougoufi et les Modi, à quatre journées des Makedo, le fleuve se resserre au point qu’on le traverse sur un tronc d’arbre jeté d’une rive à l’autre. Les indigènes font mention de hautes montagnes situées à l’est du fleuve, et d’où coulent plusieurs torrens au-dessus du confluent desquels le Nil n’est plus qu’un mince filet d’eau descendant lui-même de montagnes très éloignées. Ils ont ajouté que du côté de l’ouest se trouvent de grands lacs d’où s’échappent des rivières inconnues ; mais ces données ne sont pas assez précises pour que la géographie puisse les adopter encore.

Ainsi les explorations de M. Brun, de dom Knoblecher et des missionnaires de Khartoum nous ont conduits presque sous l’équateur. À cette lointaine distance, le Nil n’est plus le majestueux cours d’eau de l’Égypte et de

  1. M. Brun est reparti pour l’Afrique, muni des instructions du gouvernement sarde, dans l’intention de se vouer à ces nouvelles explorations sur les affluens occidentaux du Nil. Le voyageur, avant de quitter l’Europe, a publié le résultat de ses longues recherches dans un ouvrage intitulé le Nil et le Soudan.