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la Nubie, il ne se présente plus que resserré dans un lit étroit, encombré de roches et de bancs de sable ; mais il existe encore et continue à dérober à notre curiosité ses sources mystérieuses. Toutefois la question semble assez avancée aujourd’hui pour qu’on puisse espérer une solution définitive de l’expédition que vient d’organiser le vice-roi d’Égypte[1]. Quelques voyageurs et des géographes avaient pensé que ce n’était pas encore sous l’équateur, mais 10 ou 15 degrés plus au sud, sous les latitudes du Mozambique, vers ce lac Maravi ou Nyassi, longtemps problématique lui-même quant à sa position, qu’il fallait chercher l’origine du roi des fleuves. Cette hypothèse ne semble plus admissible depuis que les travaux de deux missionnaires anglais nous ont apporté des notions tout à fait neuves sur la topographie de l’Afrique centrale. Dans ce continent, les montagnes s’abaissent, les plaines s’exhaussent ; partout la géographie reconnaît et secoue ses vieux préjugés, et marche de surprise en surprise. Ce désert du Sahara, que l’on croyait déprimé, est un immense plateau bien plus élevé que le Soudan. Le Soudan, dans la partie orientale duquel on plaçait naguère encore les fantastiques montagnes de la Lune, dut être le lit d’une mer ou d’un lac immense dont le Tchad, le Tubori, le Fittri, toutes les lagunes temporaires, sans compter les immenses marécages du Nil, sont les derniers vestiges. Enfin sous l’équateur les voyageurs Krapf et Rebmann ont découvert d’immenses montagnes du pied desquels descendent, suivant toute vraisemblance, les ruisseaux qui forment le Nil à sa naissance. Telle est du moins l’opinion de l’un des voyageurs que nous venons de nommer, et dont les travaux doivent être retracés comme complément des explorations du Nil.


III. – L’AFRIQUE EQUATORIALE.

De l’Abyssinie méridionale à l’île et à la côte de Zanzibar s’étend, dans un espace de quinze degrés environ, une vaste région que coupe en deux l’équateur. Les Portugais, ses premiers explorateurs et longtemps ses maîtres, en ont relevé les contours, et sur les rivages qu’ils avaient conquis, ils élevèrent quelques comptoirs ; mais ils ne paraissent pas avoir poussé plus loin que la lisière maritime leur faible et tyrannique domination, et d’ailleurs, s’ils ont pénétré plus avant, si quelques-uns d’entre eux, guidés par l’ambition des conquêtes ou par la curiosité européenne, se sont avancés dans l’intérieur des terres, il n’en est pas résulté de profit pour la science, puisque les Portugais avaient adopté le système de ne publier aucune relation, afin, disaient-ils, de ne pas éveiller la convoitise des nations rivales. Plus tard, lorsque ces tristes dominateurs eurent été chassés par les Arabes, anciens maîtres de la contrée, de rares voyageurs visitèrent ce littoral sans ajouter beaucoup de renseignemens aux vagues notions que nous possédions déjà. Des noms peu précis de peuplades arabes ou nègres, des villes maritimes

  1. Cette expédition, dont les derniers préparatifs s’achèvent en ce moment, est placée sous le commandement de M. d’Escayrac de Lauture, voyageur aguerri par un séjour de huit années en Afrique, et qui a visité Madagascar, Zanzibar, le Maroc, puis pénétré, sous l’escorte de quelques Arabes, dans le désert et dans les contrées orientales du Soudan.