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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/908

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leurs montagnes. De Mombas au Kilimandjaro, la distance est de soixante-quinze lieues en ligne droite.

Quelques semaines après cette première excursion, dont la durée fut d’un mois et demi environ, le docteur Krapf partit à son tour, en juillet 1849, pour l’Ousambara, vaste pays montagneux autour duquel le Lofflth parait circuler. Ce voyageur se dirigea sur Madjamé, qui est le point le plus occidental du Tagga ; il suivit de profondes vallées au fond desquelles coulent, même dans la saison sèche, des torrens perpétuels entretenus par la fonte des neiges, et après une marche de plusieurs journées il put vérifier la belle découverte de son compagnon. Le Kilimandjaro, selon les observations de ce nouvel explorateur, se partage en deux sommités, distantes de dix ou douze milles. Celle de l’est est la moins élevée, et se termine par plusieurs pics. Celle de l’ouest est considérable, et se termine par un dôme immense ; elle est constamment chargée de neiges.

Dans ce même voyage, M. Krapf, remontant vers le nord, a fait la découverte d’une seconde montagne qui, dit-il, est plus étendue et plus élevée encore que le Kilimandjaro. On rappelle Kenia ou Kignea, suivant une orthographe plus récente. Les rivières Dana et Sabaki, qui se jettent dans l’Océan-Indien, y prennent naissance, et c’est de là aussi que découlent peut-être bien les sources qui forment le Nil à sa partie supérieure. Les habitans de la contrée au sein de laquelle s’élève cette montagne ont affirmé à M. Krapf que dans l’ouest et à une distance assez rapprochée du Kenia, il existe un volcan allumé. Au nord, c’est-à-dire très près de l’équateur, se trouve un lac. Les difficultés de toute nature que M. Krapf rencontra dans cette expédition, qu’il accomplit au moment où les Gallas et les Ouâkuafi étaient en guerre, l’empêchèrent de s’engager plus avant dans l’intérieur du pays. Il s’efforça de recueillir quelques notions sur les régions où il ne pouvait pas pénétrer, et apprit que dans l’ouest existaient de grands lacs qui, pour la plupart, sont navigables. Dans plusieurs localités, il entendit aussi répéter un fait singulier, qui déjà lui avait été rapporté dans le Choa, et qu’il avait accueilli comme une fable : c’est l’existence de pygmées hauts d’un mètre à un mètre trente centimètres, et auxquels les indigènes donnent le nom de wabilikimo. Ils viennent quelquefois, lui dit-on, aux confins de l’Ousambara pour échanger du fer contre les verroteries. Les Niams-Niams ne sont pas, on le voit, les seuls êtres merveilleux dont il reste à vérifier l’existence.

Dans le désir d’étudier les faits géographiques qui avaient pu échapper à son premier examen, le docteur Krapf entreprit, au commencement de 1852, un second voyage au pays d’Ousambara. Il obtint de Kméri, roi de cette contrée, la permission d’y pénétrer, et celui-ci même l’envoya chercher par plusieurs de ses hauts fonctionnaires à Pangani, petite ville du rivage qui relève de son autorité, ainsi qu’une grande partie de la côte faisant face à l’île de Zanzibar. Le district de Pangani est arrosé par une rivière qui porte le même nom, et qui parait être celle dont l’embouchure est connue sous le nom de Houffou. Ce district produit une grande quantité de riz, et on y trouve l’ivoire en abondance ; ses villages, construits sur le bord de la rivière, sont exposés à être submergés dans la saison pluvieuse.