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On a aussi taxé Hume de versatilité : il aurait écrit un premier volume dans un sens tory, afin de lui donner plus de piquant ; averti par un échec qu’il faisait fausse route, il aurait donné au second volume une couleur whig, et ce changement de front aurait sauvé l’Histoire d’Angleterre du naufrage. Toute la correspondance de Hume est un démenti à cette historiette. Cependant, si Hume n’a point fait au succès de son livre le sacrifice de ses convictions personnelles, a-t-il tenu la balance égale entre les deux opinions rivales, entre les whigs et les tories ? Deux écrivains whigs, Jeffrey et M. Macaulay, ont tous deux accusé Hume de partialité. Le plus indulgent des deux, Jeffrey, essaie d’expliquer cette faiblesse par le souvenir des tracasseries que les presbytériens, qui étaient des whigs ardens, ne cessèrent de susciter à Hume. Le biographe de Hume, M. Burton, y veut voir le résultat de cette impulsion naturelle qui porte les caractères indépendans à rompre en visière à la foule et à épouser volontiers les causes vaincues. Il appuie cette opinion sur ce passage des mémoires de Hume : « Bien que je susse que les whigs disposaient souverainement de toutes les places dans la politique et dans les lettres, je m’inquiétais si peu de leurs criailleries insensées, que sur cent endroits où des réflexions ultérieures, des études plus complètes ou des lectures nouvelles m’ont suggéré des corrections pour les règnes des deux premiers Stuarts, tous sans exception sont modifiés au point de vue tory. » Et M. Burton fait remarquer que Hume se vante ici d’une sorte de parti pris qu’il n’a point eu, car plusieurs des corrections de la seconde édition ont été faites dans un sens favorable aux whigs. M. Macaulay, plus sévère, n’hésite point à traiter Hume d’avocat du pouvoir absolu et d’ennemi de la liberté. Cette rigueur ne surprendra aucun de ceux qui ont lu l’histoire plus éloquente qu’impartiale que le savant critique a publiée dans ces dernières années. Ardent et passionné, M. Macaulay juge Hume avec les convictions d’un whig du XVIIIe siècle attardé au XIXe ; aussi son appréciation nous paraît-elle manquer d’équité.

Loin d’être un partisan du pouvoir absolu, Hume était lui-même un whig, mais un whig modéré, et qui ne se croyait point tenu à l’intolérance ni à l’injustice. Il avait très nettement exposé ses opinions politiques dès 1742 dans ses premiers essais, spécialement dans ceux qui ont pour titre : la Liberté de la Presse, les Partis en Angleterre, l’Indépendance du Parlement. Il les fit connaître plus explicitement encore dans l’essai sur la Succession protestante, qui fait partie de la seconde édition des Essais, publiée en 1748. Il écrivit à ce sujet à Henry Hume : « Vous n’avez pas encore vu mon essai sur la Succession protestante ; j’y traite mon sujet avec autant de froideur et d’indifférence que s’il s’agissait de la querelle entre César et Pom-