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successeurs Firenzuola, Salviati, Domenichi, Lorenzino des Médicis, d’Ambra, tous écrivains presque inconnus de nos jours, et à coup sûr fort inférieurs à leurs devanciers. Leurs comédies, estimées de leur vivant, seraient depuis longtemps tout à fait oubliées, si elles n’étaient écrites dans le plus pur italien et conservées à ce titre comme textes de langue.

La tragédie, quoiqu’elle eût dans l’Italie ancienne des modèles moins populaires et moins aimables que Plante et Térence, se releva vers le même temps, grâce surtout aux efforts du Trissin et de Ruccellai. Les auteurs tragiques se conformèrent scrupuleusement aux règles traditionnelles : ils n’écrivirent qu’en vers, et même n’eurent garde d’oublier les chœurs. On ne trouve parmi eux ni un Machiavel, ni un Arioste. Leur médiocrité crut se faire admirer en renchérissant sur les atrocités que le théâtre ancien avait données en spectacle. Le parricide n’était plus l’exception, mais en quelque sorte la règle. On ne craignait pas d’apporter sur la scène des urnes qui contenaient les membres des personnages massacrés, et de les montrer tout sanglans à la foule assemblée. On reconnaît là l’exagération méridionale. Chez nous, plus rassis et plus calmes, le goût des horreurs n’est venu qu’à la suite d’une grande lassitude et d’un besoin de fortes émotions que des scènes délicates ne pouvaient plus satisfaire. Les Italiens, presque du premier coup, prirent plaisir à d’affreux spectacles. Égayés outre mesure par la comédie improvisée, ils se trouvaient bien du contraste. Ainsi auteurs, acteurs, spectateurs furent entraînés bien au-delà de ce que le goût permet; ils s’encouragèrent les uns les autres à marcher dans cette voie. Ce fut bien pis encore lorsque, après les victoires de Charles-Quint, les Espagnols se furent établis en Italie. Les Italiens apprirent d’eux à connaître et même à aimer le théâtre espagnol, qui ajoutait à l’exagération des conceptions dramatiques la constante hyperbole, l’enflure inouie du langage. Si du moins leur influence n’avait pas duré plus longtemps que leur séjour! Malheureusement ils laissèrent à leurs hôtes le goût des mauvaises tragédies et tragi-comédies dont se composait leur répertoire, et ils amenèrent en grande partie la décadence littéraire de l’Italie, si sensible au XVIIe siècle.

Alors tout sembla perdu. Il ne se produisait plus aucun ouvrage digne d’estime ou même d’attention; le public avait perdu l’intelligence des œuvres sérieuses; bientôt il enveloppa dans la proscription dont il frappait les rares et mauvaises pièces des contemporains les comédies et les tragédies estimables qui avaient réussi auprès des générations précédentes. C’était, à ce qu’on pouvait croire, la fin de la littérature dramatique : heureusement les choses ne vont pas ainsi en Italie, et de l’excès du mal sortit le remède. Dans les dernières années du XVIIe siècle, un acteur romain, Pierre