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Cotta, dit Celio, connu pour ses goûts studieux, s’étant mis à la tête d’une troupe de comédiens, osa le premier, non toutefois sans de grandes précautions oratoires, remettre au théâtre et faire réciter fidèlement quelques ouvrages d’un mérite incontesté, entre autres le Pastor fido de Guarini, l’Aminta du Tasse, et même quelques tragédies françaises, comme Rodogune et Iphigénie. Il n’obtint toutefois qu’un succès douteux. Les chefs-d’œuvre des classiques italiens furent froidement accueillis; ceux des classiques français soulevèrent une réprobation générale. Avides de mouvement, cherchant partout l’action extérieure et sensible, les spectateurs se plaignaient de ne trouver dans Corneille et Racine que d’interminables discours. Celio découragé se retira. Il n’avait pas, à vrai dire, tout à fait échoué dans son entreprise. Ce n’était pas en vain que l’harmonieux langage de Guarini et du Tasse avait caressé des oreilles italiennes, si bien faites pour l’apprécier. Une réforme s’opéra insensiblement dans le goût public, bien incomplète sans doute, mais suffisante pour qu’un homme de bonne volonté pût bientôt reprendre l’œuvre de Celio avec plus de chances de succès.

C’est à Riccoboni qu’appartient l’honneur d’avoir continué cette tentative. Il était acteur, acteur habile et estimé, de plus capo-comico ou chef d’une compagnie dramatique. Son nom de guerre, celui sous lequel il fut surtout connu de son vivant, était Lelio. Sur le conseil de Scipion Maffei, il reprit d’abord avec précaution quelques anciennes tragédies. C’était habile, car, à tout prendre, la tragédie pouvait vivre à côté de la comédie improvisée sans lui nuire et sans lui porter ombrage. Il n’en fallut pas moins dix ans pour acclimater de nouveau en Italie les meilleurs ouvrages tragiques qu’on eût vus s’y produire; à la fin, ces ouvrages furent assez bien accueillis pour que Riccoboni osât en présenter quelques-uns de nouveaux, entre autres la Mérope de Maffei, qu’on eût sifflée auparavant, et qui obtint le plus éclatant succès. Quant à la comédie, l’entreprise, tout aussi laborieuse, n’eut pas les mêmes résultats. Ne pouvant obtenir d’aucun écrivain en renom quelques nouveautés pour son théâtre, Riccoboni se fit auteur, quoique avec une réserve qui donne une plus haute idée de sa prudence que de son imagination. Il se borna à imiter le théâtre français, composant des pots-pourris, allongeant de petites pièces, de deux souvent n’en faisant qu’une, combinant par exemple le Chevalier à la mode avec l’Homme à bonnes fortunes, pour répondre au goût italien, qui demandait sur la scène de l’action à outrance. Ce travail d’ailleurs n’avait rien de littéraire, car, forcé par les nécessités du métier de jouer à l’impromptu, Riccoboni n’écrivait que des canevas, à la réserve de quelques bouts de scène qu’il faisait réciter mot à mot. C’est dans ce système qu’il donna, entre autres ouvrages, le Menteur, la Princesse d’Élide et Psyché.