Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles qui en ont si longtemps tenu éloignés les proverbes de M. de Musset; sa Béatrice s’est produite récemment dans un des recueils les plus estimés de l’Italie, sous le patronage honorable et avec une préface de M. D. Capellina, professeur à l’université de Turin. Si ce drame atteste beaucoup d’inexpérience, il y en a peu, parmi ceux qui ont vu le jour pendant ces dernières années, de plus recommandables par la vigueur et la pureté du style. Nous ne parlerons pas de la conception même. On connaît cette triste histoire des Cenci et toutes les difficultés que doit surmonter le poète qui veut appeler l’intérêt sur l’étrange personnage de Béatrice. M. Oliari a eu le tort, en traitant ce sujet, de se souvenir d’un emphatique roman de M. Guerrazzi plus que du beau drame de Shelley; mais il y a dans la forme vigoureuse et châtiée de ce drame l’indice d’un retour à la voie ouverte par Niccolini, la seule où le drame italien puisse rencontrer des succès sérieux, pourvu seulement qu’il ne limite pas son cercle d’études au terrain un peu étroit de l’histoire nationale.


III.

Plus heureuse que la tragédie et le drame, la comédie semble aujourd’hui être en progrès. Pendant longtemps, elle avait sommeillé, un peu, il faut le dire, sous l’influence du caractère italien. La comédie vit en effet des travers et des ridicules de l’espèce humaine, et les Italiens, comme on l’a dit justement, sont peu choqués des ridicules : ils ne les tiennent que pour des manières d’être fâcheuses et n’y trouvent point sujet de rire. De là cette absence presque absolue de comique et de gaieté dans leurs comédies. Sérieuse, digne et froide, si la comédie italienne intéresse, c’est par le sentiment, à la façon du drame; si elle mérite d’être étudiée, c’est que les auteurs ont observé et reproduit les mœurs de leur pays, mais cette observation est toujours grave, sans malice, sans ironie, sans spontanéité, sans bonne humeur. Pourquoi donc abandonner cet heureux tour comique à la comédie improvisée, qu’on aurait pu si facilement supplanter en s’appropriant ce qu’elle a de vivant et d’animé? Un demi-siècle après Goldoni, à peine la comédie régulière ose-t-elle croire à son droit d’exister, et dans tous les cas elle se regarde comme un genre tellement secondaire, que sur cette terre de poètes il n’est pas, que je sache, un seul auteur qui en ait osé écrire une d’un bout à l’autre en vers.

Je le répète cependant, si le progrès est quelque part au théâtre italien, c’est dans la comédie. Tributaires, durant de longues années, de nos écrivains en renom, les Italiens, à l’heure du réveil, ont voulu secouer, à défaut du joug politique, le joug littéraire qui