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les plus rares aptitudes? ne possède-t-elle pas une langue poétique incomparable, une prose formée par des classiques immortels? Ce qu’il lui faut, c’est un peu de confiance en elle-même et de calme dans les esprits.

Si la tragédie doit triompher quelque part de l’éloignement qu’ont pour elle presque toutes les nations modernes, ce sera sûrement en Italie, puisque aujourd’hui encore elle y tente tout le monde; mais que les hommes sérieux se hâtent moins de chausser le cothurne, et se défient davantage de la facilité qu’on a dans leur pays à faire des vers médiocres. Qu’ils sachent aussi étendre le domaine de l’art. Au lieu d’engager une lutte impossible contre la simplicité du génie grec, la tragédie doit désormais puiser aux mêmes sources que le drame historique. Comme le drame, elle peut s’inspirer des épisodes héroïques de l’histoire nationale, de ces titres de noblesse des peuples qu’il est bon et moral de remettre quelquefois au grand jour. Il est à souhaiter aussi que les efforts des poètes italiens se tournent vers le drame de mœurs. Ce qu’il y a de grave, d’émouvant dans la vie privée n’est pas indigne du théâtre; pourquoi refuserait-on d’en tirer des enseignemens moins relevés peut-être, mais tout aussi efficaces que ceux de l’histoire? Jusqu’à ce jour cependant, les Italiens, peu curieux de ce genre, ne s’y sont distingués ni par la qualité de leurs œuvres, ni par le nombre. Les préoccupations politiques, la difficulté de pénétrer dans la vie intime, leur impatience, si peu faite pour l’observation, leur malheureuse habitude de mêler à la réalité les souvenirs de leurs lectures les moins avouables, tout semble les en détourner.

Grâce aux études sérieuses de quelques écrivains, la comédie semble entrer dans une meilleure voie, quoiqu’elle ait encore fort à faire. Craignant de compromettre sa dignité par quelque ressemblance avec la comédie improvisée, son heureuse rivale, elle affecte une gravité, une froideur qui ne lui conviennent point, et renonce au mouvement, à la saillie, à l’imprévu, à toutes les qualités, en un mot, qui ont perpétué le succès des théâtres populaires, malgré la victoire théorique de Goldoni. Le divorce est complet : c’est là une erreur regrettable. De l’heureuse et nécessaire alliance de la comédie écrite et de la comédie populaire dépend en partie l’avenir.

Pour mériter tout à fait l’estime et les applaudissemens auxquels ils aspirent, les auteurs comiques auraient encore autre chose à faire. On a le droit de leur demander des peintures plus originales et plus morales. Ce n’est pas nous faire connaître la vie italienne que de représenter au théâtre les mœurs de ce pays dans ce qu’elles ont de moins particulier. Il y a pour tous les peuples un fonds commun de pensées, de sentimens et de manières d’être : c’est au philo-