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Le Lloyd est en lui-même une entreprise commerciale d’une haute importance : il en acquiert une beaucoup plus élevée quand on considère les progrès qu’il fait faire au commerce général et l’activité qu’impriment à l’industrie, à l’agriculture, les moyens de transport et d’échange qu’il leur fournit. Pour apprécier sous ce point de vue les services qu’il rend, on a essayé de calculer le montant des valeurs qu’il a transportées de 1836 à 1853. Les marchandises, consistant principalement en soies, en étoffes élégantes de laine ou de coton, et pour le reste en objets assez précieux pour supporter le fret par bateaux à vapeur, ont été portées à 300 florins par quintal d’Autriche (à peu près 1,000 fr. par quintal métrique), et les bagages des voyageurs à 10 florins (26 fr.) par paquet. A ce compte, le Lloyd a transporté, dans les dix-sept années :

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En marchandises 1,255.219,200 florins.
En bagages 84,847,930
En numéraire 461,113,767
Total 1,801,180,897 florins.
Soit 4,683,070,332 francs.

Le lecteur ne trouvera point ces chiffres trop arides, s’il veut bien y chercher la mesure des services que le Lloyd de Trieste a rendus, dans le bassin de la Méditerranée orientale, à la civilisation, et, l’on peut ajouter, au bonheur de l’espèce humaine. Chacune des relations qu’il a nouées sur des rivages inhospitaliers y a déposé quelque germe de justice; chaque ballot qu’il a transporté a fait circuler le travail et la vie dans les veines de familles pour qui ces labeurs sont un acheminement vers une liberté relative; chacun des voyageurs qu’il a conduits sur les côtes de l’Europe, de l’Asie ou de l’Afrique, s’est défait sur la route de quelques préjugés, a acquis ou répandu des idées nouvelles, et, quoique plusieurs aient pu rapporter des choses qu’il vaudrait mieux ne pas savoir, toute compensation faite, les résultats sont très-profitables. Il est certain en définitive que l’action modeste, mais continue, de cette association de négocians sur les affaires du Levant a été, depuis quelques années, infiniment plus efficace et tout aussi honorable que celle de la diplomatie autrichienne.

Pendant six ans, il est triste de le dire, la caisse du Lloyd ne s’est ouverte devant ses actionnaires que pour recevoir leurs versemens, et la satisfaction de travailler à l’accomplissement d’une noble tâche a été leur unique récompense. Peut-être ces titres généreux à la reconnaissance de l’humanité n’étaient-ils pas tout ce qu’ils ambitionnaient :

Ploravère suis non respondere favorem
Speratum meritis !........