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« Tu souffres, ta vie est amère.
Viens dans ma maison, prends ma main;
Mon labeur suffira, j’espère,
A te donner un peu de pain.

« J’aimerai d’un amour extrême
Ces petits enfans, mais pourtant
Plus que toutes choses toi-même,
Ma chère et malheureuse enfant!

« Je garderai bien enfermée
Ma faiblesse ; mais si tu meurs,
J’irai, ma douce bien-aimée,
Sur ta tombe verser des pleurs. »


IX.


DEPART.


Je regardais, l’âme attendrie.
Notre sillon dans le flot bleu.
« Adieu, disais-je, ô ma patrie !
Mon navire est rapide, adieu ! »

La maison de ma bien-aimée
Se trouvait sur notre chemin;
J’espérais!... vaine fumée!
Pas même un signe de la main!

Cessez de couler, ô mes larmes!
Séchez-vous, que je puisse y voir;
Et toi, mon cœur, cherche des armes
Contre l’immense désespoir!


X.


LE CERCUEIL.


Vieilles chansons et rêves creux,
Tout ce fatras jaune et poudreux
(Triste et stérile offrande!),
Mes amis, je lui veux ouvrir
Une tombe; allez me quérir
La bière la plus grande.

Car je ne dois point mettre seul
Mon pauvre esprit dans le linceul;
J’ai le dessein d’y coudre
Autre chose encore, et partant
Il me faut un cercueil plus grand
Que d’Heidelberg le foudre.