Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/485

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuova, la raconte en poète. Les biographes italiens et français de nos jours, M. Cesare Balbo, M. Fauriel, M. Ozanam, ne font guère que reproduire sur cette période les documens primitifs ; les biographes allemands vont plus loin, ils veulent savoir quelles ont été les études de Dante et quelle préparation a ouvert cette riche intelligence. Une des meilleures biographies que nous ayons de l’auteur de la Vita nuova, c’est bien certainement celle de M. Auguste Kopisch[1]. En quelques traits précis, M. Kopisch reconstruit pour nous la société italienne vers 1265, il groupe les événemens dont le contre-coup dut frapper l’imagination du poète enfant, il le suit dans les écoles ecclésiastiques et nous dit quelle nourriture il y reçut. Initié de bonne heure à toutes les sciences qui formaient le trivium et le quadrivium, Dante avait pratiqué aussi les beaux-arts ; il nous apprend lui-même qu’il savait manier le crayon. Ami du peintre Giotto et du musicien Casella, élève de Brunetto Latini, son ardente jeunesse s’était ouverte à toutes les inspirations, à toutes les connaissances d’une époque où une sorte d’ambition encyclopédique animait les esprits supérieurs. Celui que la vue de Béatrice ravissait déjà dans les mystiques régions étudiait l’astronomie, la physique et l’histoire naturelle avec cette curiosité émerveillée qui est un des caractères du moyen âge. Quand il dut prendre rang dans l’une des catégories du peuple, célèbre déjà par ses canzoni, il se fit inscrire parmi les médecins et les pharmaciens de la cité. M. Kopisch et tout récemment M. Franz Wegele[2]), professeur à l’université d’Iéna, racontent ces choses avec beaucoup de précision. Ce ne sont pas des conjectures, les témoignages abondent, et Pelli en avait déjà signalé quelques-uns ; il fallait les choisir avec art, il fallait les recueillir dans les œuvres de Dante, dans la Vita nuova, dans le Convito, dans un vers passé inaperçu ; les deux écrivains allemands l’ont fait d’une main sûre et discrète, et le tableau est charmant. Ajoutez-y le portrait de Brunetto Latini, tracé par Fauriel[3], vous aurez tout ce qu’on peut rassembler de plus certain sur l’enfance du poète ; les encyclopédies du Trésor et du Tesoretto sont en définitive le poétique résumé des richesses où l’enfant a puisé à pleines mains. Merveilleuse destinée de ces deux livres ! Le Trésor est dédié à saint Louis, le Tesoretto a été le manuel de Dante.

De plus grandes questions vont se présenter ; Dante était-il guelfe ou gibelin ? A peine âgé de vingt-quatre ans, encore tout enivré de ses mystiques rêves et de sa poésie amoureuse, le voilà jeté au milieu

  1. M. Kopisch a publié sa Vie de Dante à la fin de sa traduction de la Divine Comédie, Voyez Die Goettliche Comœdie des Dante Alighieri. Metrische Uebersetzung… mit Erlauterungen, Abhandlungen, 1 vol., Berlin 1842.
  2. Dante’s Leben und Werke, von Franz Wegele, 1 vol. ; Iéna 1852.
  3. Dans le tome XX de l’Histoire littéraire de la France.