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la loi constitutive de la Suède, vint à son tour et dit dans son paragraphe 16 : « Le roi doit appuyer la justice et la vérité, prévenir et empêcher la violence et l’injustice, ne point léser, ni permettre de léser qui que ce soit dans sa vie, son honneur, sa liberté personnelle ou son bien-être, s’il n’est légalement convaincu et condamné… Il ne doit forcer la conscience de personne, ni permettre qu’elle soit forcée, mais maintenir chacun dans le libre exercice de sa religion aussi longtemps qu’il ne trouble point le repos public ou ne donne pas de scandale… » Dans son paragraphe 28, il est vrai, cette même constitution dit : « Il ne sera nommé aux places de ministre d’état, de conseiller d’état, de conseiller de justice, de secrétaire d’état, et aux autres emplois civils dans le royaume, ainsi qu’aux places de juge, que des hommes professant la pure doctrine évangélique. » Il est vrai encore que la constitution de 1809 n’a pas mentionné expressément l’abolition des peines ordonnées par la loi de Charles XI contre les personnes qui déserteraient l’église établie. Qui ne reconnaîtra cependant que l’abolition complète de toute contrainte religieuse était dans l’esprit et même dans la lettre du paragraphe 16 ? Si le texte que nous venons de citer ne paraît pas suffisant, nous rappellerons les paroles prononcées dans les délibérations de la diète de 1809. À quelques objections présentées par des membres du clergé, le comité de constitution répondit : « Attendu que toute contrainte exercée sur la conscience sert à faire des hypocrites et non pas de vrais chrétiens ; attendu que la contrainte religieuse, loin de produire la conviction et d’ouvrir les cœurs, a enfanté le plus souvent des sectes fanatiques et des persécutions sanglantes ; attendu enfin que la religion se défend très sûrement par sa propre force divine, — le comité de constitution est d’avis que le libre exercice de toute foi religieuse, moyennant l’observation des conditions prescrites dans le paragraphe, ne peut devenir dangereux pour l’autorité de la religion véritable, et qu’on ne saurait le refuser à une société dans laquelle tout membre utile, paisible et observateur des lois, doit être protégé. » Quant aux réserves mentionnées par la même constitution, il est clair que celle du paragraphe 28 est seule restrictive de la liberté religieuse ; celles du paragraphe 16, qui n’ont d’autre but que de garantir la paix publique et d’empêcher le scandale, se retrouvent dans toutes les constitutions, même dans celles des peuples chez qui la liberté religieuse, absolument complète, ne connaît pas l’exclusion des charges civiles pour les non-conformistes.

Voilà ce qu’avaient fait les législateurs de 1809, dont la constitution régit politiquement la Suède actuelle. Comment se fait-il pourtant que, malgré les expressions formelles du paragraphe que nous venons de citer, la Suède ait conservé jusqu’au milieu du XIXe siècle l’aveugle et inintelligente barbarie de la législation de Charles XI ? Oui, dans ce pays, dont le héros, Gustave-Adolphe, a combattu contre les ennemis de la tolérance religieuse, un père de famille qui déserte l’église établie pour entrer dans une secte protestante non-conformiste ou embrasser le catholicisme est emprisonné, jugé, destitué, dépouillé de ses biens, qui sont confisqués au profit de l’état, ne peut plus hériter ni tester, et se voit enfin exilé ! De nombreux procès sont venus depuis vingt ans confirmer cette législation digne des temps les plus ténébreux du moyen âge. On se rappelle ce conquérant espagnol qui, présentant