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n’est pas ce qu’il aurait pu devenir, si l’auteur, éclairé par des reproches bienveillans, eût consenti à remanier sa pensée, à l’exprimer sous une forme plus précise.

Les peintures murales de Saint-Séverin, de Saint-Eustache et de Saint-Philippe confirment, sur plusieurs points, les craintes que permettait de concevoir le choix des sujets. Cependant le nombre des ouvrages qui méritent des éloges, quoique très limité, suffit pour démontrer que la ville de Paris agit très sagement en multipliant les travaux de ce genre. Quoique parmi les artistes qui ont concouru à la décoration de ces trois églises il s’en trouve plus d’un dont les études ne sont pas encore «complètes, il est certain pourtant que la plupart des compositions révèlent un désir sincère d’atteindre au grand style. Si ce vœu ne s’est pas réalisé, nous pouvons espérer qu’il se réalisera lorsqu’il sera donné aux peintres de tenter une nouvelle épreuve. Il est hors de doute que la peinture faite sur place agrandit la manière de ceux mêmes qui, par la nature de leurs facultés, ne semblent pas appelés à l’expression des idées élevées; mais pour exciter chez les artistes une généreuse émulation, il serait de la plus haute importance de ne pas s’en tenir aux hommes de bonne volonté qui aspirent à la renommée, et de s’adresser en même temps à ceux dont le nom est depuis longtemps dans toutes les bouches. Les moins habiles comprendraient alors la nécessité de redoubler leurs efforts, le danger des comparaisons soutiendrait leur courage, et, dans l’ardeur de la lutte, ils deviendraient peut-être des hommes nouveaux.

Toutefois l’adjonction des peintres d’une habileté depuis longtemps éprouvée ne saurait dispenser l’autorité municipale d’introduire dans la décoration de nos églises la prévoyance et l’unité. C’est une vérité banale en apparence qu’il ne faut pas se lasser de répéter : sans unité, sans prévoyance, il n’y a pas moyen d’offrir aux yeux un ensemble satisfaisant, car ensemble et unité signifient une seule et même chose. Le vœu que je forme soulève d’ailleurs une question délicate, une question de hiérarchie et de discipline. Chacun aujourd’hui, à peine entré dans la carrière, veut conquérir une rapide célébrité. Dès qu’un peintre sait mettre une figure debout, il entend ne plus relever de personne; traduire avec son pinceau une pensée qu’il n’a pas conçue lui semble porter atteinte à sa dignité; il croirait déroger en peignant une scène qu’il n’a pas composée. Pour vaincre cette répugnance, pour introduire dans l’exécution des travaux le commandement et l’obéissance, l’histoire de la peinture serait d’un utile secours. Raphaël et Rubens n’ont pas exécuté par eux-mêmes tous les ouvrages signés de leur nom, et parmi leurs auxiliaires plus d’un est arrivé à la célébrité. Pourquoi les peintres de nos jours qui ne sont pas