large concession à une compagnie genevoise qui s’engageait à construire et à peupler un certain nombre de villages aux environs de Sétif. Cette compagnie s’est mise à l’œuvre, elle a créé plusieurs villages où elle a attiré des Suisses, des Savoisiens et même des Français ; elle s’est occupée aussi de l’exploitation d’une partie des terres qui lui sont spécialement concédées comme prix de ses travaux. La colonisation individuelle a également sa part. Ce sont là certainement des résultats. Il est cependant un fait qui ne peut manquer de frapper vivement, c’est que, malgré tout, la population européenne reste encore singulièrement restreinte. Quel est en effet le chiffre de cette population jusqu’en 1856 ? Il ne dépasse pas 167,000 âmes. Sur ce nombre, il y a à peine 100,000 Français, 41,000 Espagnols, 9,000 Italiens, 6,000 Maltais. Autre détail : la population rurale ne va pas au-delà de 59,000 âmes. Sans doute, il faut tenir compte de certaines conditions particulières. La France ne procède pas par l’extermination à l’égard des indigènes, elle cherche au contraire à les attirer à elle, et à l’abri de la paix le travail peut se développer sans nécessiter le concours exclusif des Européens. N’y a-t-il pas toujours néanmoins quelque chose d’étrange dans ce chiffre minime mis en présence des immenses émigrations qui s’en vont vers d’autres contrées, vers le Nouveau-Monde ? Il y a donc beaucoup à faire encore pour développer les germes de prospérité qui existent dans l’Algérie, et dont les résultats actuels ne peuvent donner qu’une faible idée. La France est intéressée à cette œuvre ; elle y est intéressée par les efforts qu’elle s’impose depuis vingt-sept ans, par le sang héroïque dont elle n’a cessé d’arroser cette terre, par l’or qu’elle y a répandu, parce qu’enfin de toutes les œuvres de notre temps c’est une des plus grandes, si ce n’est la plus grande, la seule où ne se voie pas l’effigie d’un parti ni même d’un gouvernement, mais la noble et victorieuse effigie de la France.
Certes les œuvres et les entreprises ne manquent pas aujourd’hui ; elles embrassent tous les intérêts de l’ordre politique et de l’ordre économique, la vie matérielle aussi bien que la vie morale. Il est surtout un problème qui est en quelque sorte le principe et la racine de tous les autres, c’est celui de l’enseignement, qui vient d’être évoqué de nouveau par le gouvernement lui-même au sein du conseil de l’instruction publique, lequel s’est réuni il y a peu de jours. Quand on agite de telles questions, en réalité c’est l’avenir même des générations nouvelles qui se débat, et cela suffit bien assurément pour qu’on suive d’un œil attentif la marche de l’instruction publique. Les réformes qui ont été accomplies il y a plusieurs années, et qui ont eu pour effet de scinder dans une certaine mesure l’enseignement, en faisant une part plus large aux sciences, ces réformes auront-elles décidément une influence heureuse ? C’est là justement la question. Il s’est élevé récemment plus d’un doute lorsqu’on a vu des chiffres qui indiquaient une diminution sensible du nombre des jeunes gens qui recherchent l’enseignement littéraire. C’était un commencement de justification de bien des craintes. Que dans un pays comme le nôtre et dans un siècle comme celui où nous vivons, au milieu de tous les développemens de l’industrie et du travail matériel, que dans ce siècle l’instruction scientifique s’étende et se fortifie, c’est une condition naturelle, nécessaire ; mais après tout il s’agit de faire des hommes avant de faire des industriels ou des savans, et là est précisément l’utilité de