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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/226

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difficile de classer et qui sont nombreux dans notre temps. La critique de M. de Pontmartin a un caractère particulier : elle ne procède pas d’une connaissance réfléchie et savante de toutes les conditions de l’art dans ses manifestations diverses ; c’est une impression rapide et courante, c’est véritablement une causerie où le thème change à chaque instant, où l’esprit se promène à travers tous les sujets. Ainsi fait M. de Pontmartin, s’emportant quelquefois au-delà des limites et revenant bientôt sur ses pas, injuste et acerbe par accident, par oubli, et admiratif jusqu’à l’hyperbole quand il a l’heureuse fortune de se trouver en présence du livre d’un de ses amis, d’un homme dont il partage sur d’autres points les opinions. N’est-il donc pas naturel et juste, dira-t-on, d’être sympathique pour ses amis ? Qui pourrait le nier ? Seulement la couleur de l’opinion d’un écrivain ne prouve pas toujours que son œuvre réunisse toutes les perfections littéraires ; cette œuvre peut même être lourde et inanimée, et puis il en résulte qu’un penchant trop décidé à l’éloge d’une part peut diminuer d’un autre côté l’effet de la critique, en lui donnant une couleur sinon systématique, du moins un peu factice et facilement prévue. Au fond, M. de Pontmartin sait bien ce que la critique a de difficile dans ses conditions ; il marche dans cette voie avec la finesse et l’habileté d’un esprit qui sent tous les dangers, et plus d’une fois la réserve secrète et ironique se laisse apercevoir sous la louange, car c’est là encore le propre de sa critique de procéder d’un sentiment mesuré des choses. Quand elle franchit cette mesure, elle n’est plus elle-même, elle est hors de sa nature. Fidèle à son propre instinct, elle est ingénieuse, élégante, pleine de ressources et de souplesse, et dans la défense de ces notions invariables de l’art littéraire qui se confondent avec les notions de la morale sociale, elle s’élève naturellement, sans effort, comme s’élève toujours un brillant esprit porté, soutenu par la vérité. Les Causeries du Samedi ne sont qu’un jalon de plus dans cette voie critique où M. de Pontmartin est entré, et où il poursuit sa campagne. Marquer ainsi les étapes, c’est le meilleur moyen de se reconnaître, de mesurer le chemin qu’on a parcouru, et puis quand vient l’heure de rassembler ces pages qui se succèdent, M. de Pontmartin pourrait encore, sans y perdre, oublier plus d’un morceau échappé au courant de la critique de tous les jours. Ce serait peut-être un art de plus, qui ne servirait qu’à mieux mettre en relief l’éclat élégant et fin des fragmens qu’il conserverait en les rajeunissant par une publication nouvelle.

Les affaires intérieures de la France ont eu depuis quelques jours le privilège d’éclipser les affaires du monde. À vrai dire, elles ont été un intermède dans un moment de repos général. C’est qu’en effet les questions politiques, diplomatiques, qui s’agitaient naguère encore, semblent sommeiller aujourd’hui, ou du moins elles n’ont pas pour le moment cette animation qu’elles avaient, et qu’elles retrouveront sans nul doute. Les principautés en sont à attendre l’effet des dernières résolutions prises à Constantinople. Au nord de l’Europe se poursuit toujours, dans l’ombre des négociations diplomatiques, cette éternelle affaire qui divise le Danemark et les puissances allemandes. Seulement, si ce différend ne se dénoue pas, il ne s’aggrave pas non plus. Le Danemark, si l’on s’en souvient, avait proposé aux deux principaux cabinets de l’Allemagne une transaction qui consistait à consulter les états provinciaux du Holstein sur l’organisation particulière des duchés. On arri-