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J’avais enfermé le squelette dans la hutte, et les bêtes féroces venaient rôder autour. Les feux que nous tenions presque continuellement allumés les éloignaient finalement, et elles se contentaient de dévorer quelques morceaux des chairs éparses. » Ce squelette d’éléphant ainsi préparé se voit aujourd’hui à Stockholm, dans le musée de l’institut Carolin[1]. Peu d’entre ceux qui l’examinent avec étonnement, ou même qui l’étudient, savent combien de peines il en a coûté pour doter les collections suédoises de ce seul individu. Il a fallu deux jours pour enlever les grosses, chairs, huit jours pour préparer tout le squelette ; il a fallu construire une hutte pour l’y enfermer ; il a fallu livrer maint combat pour défendre ce trophée contre les bêtes féroces ; il a fallu six jours pour amener un chariot, six jours pour emporter le squelette, à travers un chemin qu’on frayait à coups de hache, jusqu’au campement, un voyage de deux mois ensuite pour le porter, sur les épaules, jusqu’à Port-Natal, d’où on l’embarqua, presque tout cela exécuté avec trois ou quatre nègres paresseux, et souvent perfides. Il est facile de deviner ce qu’il fallait, pour vaincre tant d’obstacles, de ferme et inébranlable volonté et de dévouement patient à la science.

Wahlberg s’imposait aussi quelquefois de bien longs travaux par le choix rigoureux des individus dont il tenait à enrichir ses collections. Voulant, par exemple y faire figurer surtout la variété de rhinocéros appelée par les naturalistes keithloa, il se mit en campagne pour cette recherche. La campagne dura sept mois. Nous l’avons vu déjà poursuivre douze jours de suite l’antilope noire.

Nous n’avons rien dit de ses chasses au buffle, à la girafe, à l’hippopotame. Bientôt, nous l’espérons, on publiera le livre qu’il avait commencé à rédiger et les relations données par lui de ses différens voyages. Les hommes de science y pourront apprécier quels services il a rendus. Qu’il nous suffise de les résumer ici a l’aide de quelques chiffres épars dans les documens qui nous sont communiqués. On compte dans les collections dont il a doté la

  1. L’institut royal Carolin, école de médecine et de chirurgie fondée à Stockholm en dehors de l’institution universitaire, doit sa première origine à un Français, Grégoire-François Du Rietz. Né en 1607 à Arras, d’une ancienne famille noble des Flandres, Du Rietz fut reçu docteur à Salamanque. Devenu ensuite professeur de la Faculté de Paris, conseiller et médecin de Louis XIII, il fut envoyé comme médecin consultant à Gustave Adolphe en Allemagne, puis engagé en 1642 par l’envoyé de Suède à Paris, Jean Skytte, au service de la reine Christine. Skytte, dans la lettre où il le recommande à la veine, le dit : In omnibus medicis facultatibus ad miraculum usgue versatus, — acutissimus philosophus, — exemplari facundia cumulatissimus, — rerum melallicarum scientia nemini postponendus, etc. À son arrivée en Suède, il trouva l’enseignement médical de l’université d’Upsal si mauvais, qu’il demanda et obtint du chancelier la permission de fonder un enseignement à Stokholm, où du reste la médecine n’était exercée que par les chirurgiens-barbiers, formant une corporation alors même en décadence. Le collège de médecins organisé en 1663 par Du Rietz reçut des l’origine le droit de conférer des grades après avoir donné l’enseignement. Aujourd’hui c’est la principale école de médecine en Suède. Il y a dix professeurs titulaires et cinq professants adjoints. Les plus grands médecins de la Suède y ont enseigné et y enseignent encore, Bromel, Martin, Bergius, Berzelius, et aujourd’hui même les professeurs Huss, Mosander, Malmsten, Saatesson et And. Retzius.