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voyages. Une disette ayant éclaté en Italie, ils portèrent sur les côtes de cette péninsule des grains achetés sur les bords de la Baltique. La fertilité naturelle du sol italien s’étant rétablie après quelques années, cette branche de commerce tomba. Les marins de la Hollande et de la Zélande cherchèrent alors un autre marché sur lequel pût s’exercer leur industrie. Un navigateur, Cornélius Houtman, de Gouda, qui avait séjourné plusieurs années à Lisbonne et y avait eu des démêlés avec l’inquisition, retourna sur ces entrefaites à Amsterdam. Là il vanta avec enthousiasme les profits que le commerce néerlandais pourrait retirer, lui aussi, des nouvelles relations ouvertes par les Anglais et les Portugais avec les îles de l’Inde. Ses observations engagèrent neuf marchands d’Amsterdam à se former en une société pour l’établissement du commerce avec les peuples de l’Orient. Ils équipèrent à leurs frais quatre vaisseaux également propres à la guerre et au transport des marchandises. Le 2 avril 1595, ces quatre bâtimens partirent du Texel et arrivèrent le 2 août au cap de Bonne-Espérance ; mais, retenus par des vents contraires, retardés dans leur course par des disputes qui s’élevèrent entre les équipages, ils n’atteignirent qu’au mois de juin de l’année suivante l’île de Java. Là ils eurent à essuyer l’opposition d’une compagnie de marchands portugais établis à Bantam, la capitale de l’île. Ces derniers firent de grands présens au chef indien pour obtenir de lui qu’il empêchât le trafic des nouveau-venus avec les habitans de Java. Ils excitèrent même à un tel degré de violence les soupçons des indigènes, que les vaisseaux hollandais se virent attaqués et perdirent quelques hommes dans cet engagement. Quittant alors Java, ces vaisseaux se dirigèrent sur Bali, où ils reçurent un meilleur accueil et purent se procurer à bas prix une abondante cargaison d’épices. Cependant l’un des navires, l’Amsterdam, avait tellement souffert, qu’on jugea à propos de le briser. Les trois autres bâtimens, après un voyage de plus de deux ans, rentrèrent en 1597 dans la ville d’Amsterdam, chargés de poivre, de muscade, de girofle, de cannelle et de gingembre. Leur arrivée fut saluée par une fête populaire. Hélas ! plus d’un marin manquait à cette fête. De deux cent cinquante hommes partis pour l’expédition des Indes, quatre-vingt-dix seulement retournèrent dans leur patrie ; le reste était mort en chemin de maladies, de privations et de tortures morales.

Depuis l’expédition de 1595, le commerce entre les Provinces-Unies et les Indes-Orientales alla toujours se développant, malgré les pertes et les désastres qu’occasionnaient de temps en temps les hostilités combinées des indigènes et des Portugais. Bientôt même les commandans des navires hollandais commencèrent à combattre efficacement dans l’esprit du peuple indien l’effet des faux rapports que