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les Espagnols et les Portugais avaient répandus contre eux. Ils firent des alliances avec les habitans de l’île de Banda, avec le roi de Ternate et celui de Candy dans l’Ile de Ceylan. Le roi d’Achem s’était montré jusque-là l’ennemi le plus intraitable des Hollandais. Un capitaine de vaisseau zélandais lui donna le conseil d’envoyer deux ambassadeurs aux Provinces-Unies, afin de s’assurer lui-même que les Hollandais n’étaient point tels que les Espagnols et les Portugais les avaient représentés. Le roi se laissa persuader. Un de ses ambassadeurs mourut à son arrivée dans les Pays-Bas et fut enterré avec pompe à Middelburg. L’autre visita le prince Maurice dans son camp, où il fut reçu avec une extrême magnificence. Un traité d’alliance et de commerce fut conclu entre le roi d’Achem et le prince au nom des états. À son retour dans les Indes, l’ambassadeur remplit tout le pays du récit de ses impressions de voyage. Il ne laissa échapper aucune occasion de combattre les fables absurdes que l’intérêt égoïste des marchands espagnols et portugais avait répandues sur le compte des Hollandais[1]. Quant à lui, il parlait avec une estime profonde de l’excellence de la nation qu’il avait vue, de la richesse et de l’intégrité des commerçans néerlandais, de la puissance de leur marine naissante. Sous l’influence de ces conjonctures favorables, des compagnies s’établirent dans plusieurs villes de la Hollande et de la Zélande ; mais elles ne tardèrent point à reconnaître qu’elles se portaient innocemment préjudice les unes aux autres. Plusieurs vaisseaux, à leur arrivée dans les îles des Indes-Orientales, trouvèrent le marché déjà occupé. La concurrence des acheteurs engageait les marchands indiens à élever le prix des épices. D’un autre côté, la grande quantité de marchandises que les navires hollandais rapportaient en même temps dans les villes des Pays-Bas, n’étant ni dirigée par une pensée unique, ni distribuée par une main suprême, amenait sur certains points des engorgemens. Ces considérations déterminèrent les états à réunir toutes ces compagnies isolées, éparses, incohérentes, dans une seule compagnie des Indes-Orientales. Cette fameuse institution naquit en 1602 : elle fut pour la Néerlande la source d’une immense richesse et aussi de jalousies incessantes entre les autres nations et les Pays-Bas. La compagnie des Indes-Orientales, formée à l’origine pour vingt et un ans, obtint le privilège exclusif de la navigation à l’est du cap de Bonne-Espérance et à l’ouest du détroit de Magellan. Le capital de la société s’élevait à 6,600,600 florins. La moitié de cette somme avait été fournie par Amsterdam, un quart par la Zélande, et le reste par les villes de Delft, de Rotterdam, de Hoorn et d’Enkhuysen. À peine installée,

  1. Les Portugais avaient imaginé de dire que les Espagnols et les Portugais étaient les seuls peuples blancs de l’Europe, et que les Hollandais vivaient à l’état de corsaires sur les uns et les autres.