ne veux et n’ai voulu que la paix, leur dit-il ; c’est à Rome qu’il faut vous adresser, afin d’obtenir que là-bas on en fasse autant. Mais qui osera se charger d’une telle ambassade ? qui essaiera de ramener à la raison un Galate furieux, surtout quand ce Galate est un prince ? Celui qui ne sait pas modérer sa colère, plus on le prie, plus il éclate. — Donnez-nous seulement votre consentement à la paix, lui répondent les Liguriens, et nous nous chargeons du reste. Nous avons à Pavie un homme, élevé récemment à l’épiscopat, devant qui s’inclineraient jusqu’aux bêtes les plus sauvages. Lui montrer une bonne œuvre à faire, c’est le gagner à son désir sans qu’il soit besoin de le prier. Son visage reflète son âme et inspire le respect. Tout catholique le vénère, tout Romain l’aime ; un Grec même l’aimerait, s’il eût mérité de le voir. Parlerons-nous de son éloquence ? L’enchanteur thessalien qui enchaîne les serpens ne connaît pas de charmes plus puissans que ceux qui découlent de ses lèvres : on ne peut lui rien refuser. Son auditeur lui appartient dès qu’il parle, et nulle défaite n’est possible, si on lui permet de répliquer. »
Ce fut dans ces termes, fortement empreints d’exagération et de recherche suivant le goût du temps, que les nobles Liguriens proposèrent à Ricimer d’accepter l’évêque de Pavie pour négociateur entre Anthépius et lui. Fidèle à son rôle, qui était de mettre de son côté dans cette circonstance décisive l’apparence de la modération, et de faire pencher vers lui, s’il était possible, l’opinion des Italiens, Ricimer n’eut garde de repousser l’intervention d’un prêtre que l’Italie vénérait. « Cet homme merveilleux dont vous me parlez m’est déjà connu, leur dit-il, et sa plus grande merveille selon moi, c’est qu’il n’a que des admirateurs et des amis. La nouveauté de sa fortune, contre l’habitude, ne lui a, que je sache, suscité aucun envieux. Allez donc vers lui ; priez l’homme de Dieu de venir me voir, et joignez, s’il le faut, mes prières aux vôtres. » L’audience finie, la députation, sans perdre un instant, se mit en route pour Pavie, ou plus exactement Ticinum, car Pavie portait encore dans le Ve siècle ce nom, emprunté au Tessin, qui en baigne l’extrémité occidentale : elle n’adopta que plus tard celui de Papia ou Pavia, sous lequel elle devint la capitale fameuse des Lombards et du royaume frank d’Italie.
Cet évêque, que les peuples venaient chercher pour en faire l’arbitre des princes, n’était point un fier patricien comme Ambroise, rompu aux affaires dans les préfectures du prétoire, ni, comme Augustin, un rhéteur expérimenté et sûr de sa parole, ni, comme Jérôme, un écrivain irrésistible, remplissant le monde de sa science et de ses débats ; c’était un prêtre grandi dans l’église à l’ombre de l’autel, et qui ne connaissait guère du monde que l’enceinte de Pavie, où il était né. On racontait des prodiges de cette vie obscurément