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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/336

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tout vraisemblablement l’assassinat de Marcellinus jetèrent entre le beau-père et le gendre de nouveaux fermens de discorde. Avec ce caractère irascible qui gâtait les bonnes qualités d’Anthémius, avec le sombre et cruel ressentiment qu’inspirait à Ricimer la moindre offense, les querelles sur de pareils sujets purent devenir des injures irréparables que la tendresse de l’épouse et de la fille ne suffisait plus à pacifier. L’histoire oublie même, dans ce déchirement de la famille impériale, la jeune Byzantine dont l’union avec Ricimer avait semblé le gage assuré de la paix. Aucun contemporain ne la mentionne plus, soit que, forcée de choisir entre son père et son mari, elle se fût rangée du côté du père, soit qu’une destinée plus douce, en l’enlevant prématurément au monde, lui eût épargné le triste spectacle dont l’empire allait être témoin. Des confidences faites imprudemment au dehors envenimèrent les divisions intérieures, qui se transformèrent en divisions politiques. Anthémius, avec peu de mesure, exprimait publiquement son regret d’avoir pris un Barbare pour gendre, et on l’entendit plus d’une fois reprocher à l’Italie ce sacrifice de son sang, qu’il avait fait pour la sauver ; Ricimer, avec plus d’habileté, exploitant les préjugés de l’Occident contre l’Orient, ne désignait plus l’empereur que par les surnoms de Galate et de Petit-Grec, qu’on répétait autour de lui pour lui plaire. Le peuple, les soldats, le sénat étaient partagés, mais l’armée penchait en masse pour le patrice. Un jour enfin, Ricimer quitta Rome et se retira dans Milan, près des campemens des fédérés barbares ; Anthémius, resté à Rome avec les corps de l’armée qu’il supposait fidèles, et dont le principal était la division qu’il avait amenée d’Orient, envoya demander des renforts au maître des milices des Gaules. Cette brusque séparation, accompagnée de pareilles circonstances, parut la fin des hésitations mutuelles. Tout le monde se dit que la guerre civile commençait.

L’émotion fut grande, surtout en Ligurie, où l’on pouvait s’attendre à supporter les premiers désastres de la guerre. Les villes se concertèrent ; elles tinrent conseil, et il fut décidé qu’une députation de la noblesse ligurienne irait à Milan demander audience à Ricimer, lui faire entendre la prière de l’Italie, et lui arracher, s’il était possible, une promesse de paix. Admis près du patrice, les députés l’abordèrent dans une attitude suppliante, prosternés à ses genoux, et tous pleurant à chaudes larmes. « Que la modération vienne de vous ! lui disaient-ils d’une commune voix ; ouvrez le chemin à la concorde ! » Ricimer les releva avec bienveillance. Habile à déguiser ses sentimens, il leur parut dans ses explications aussi désireux de la paix qu’ils pouvaient l’être eux-mêmes, aussi effrayé des conséquences de sa rupture avec son beau-père, aussi disposé à saisir tous les moyens d’accommodement. « N’insistez pas près de moi, qui