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temps-là, Max se retirait à l’arrière, sur la dunette, d’où une pluie battante ne tarda pas à le chasser. Comme il arrivait au bas de l’escalier conduisant à la grande chambre, Gretchen, tout effrayée, ouvrit la porte de sa cabine.

— Qu’y a-t-il, monsieur Max ? demanda-t-elle avec inquiétude ; que se passe-t-il là-haut ?

— Une voile a été emportée, et un grain plus méchant que les autres s’est abattu sur nous. Voilà tout, répondit Max.

— Tout craque ici, reprit Gretchen ; j’entends la vague frapper le flanc du navire.

Walther interrogeait Max du regard. Le tumulte de la mer agitée et la voix du vent mugissant à travers les cordages, les cris des matelots et le bruit de leurs pas précipités sur le pont lui causaient une certaine frayeur.

— Ce n’est qu’une bourrasque, un coup de vent comme il en passe si souvent sur la mer, dit Max en souriant.

— Entendez-vous, mon père ? reprit Gretchen d’une voix plus rassurée ; ce n’est qu’un coup de vent. Vous en êtes sûr, monsieur Max, il n’y a pas de danger ?

— Non, il n’y en a pas pour l’instant.

— Il peut donc y en avoir demain, cette nuit ?… demanda la jeune fille en fixant sur Max des regards inquiets et presque suppliants.

— Que peut l’homme contre les éléments, quand ils se déchaînent ? continua Max. Ce n’est pas à lui que toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre ; tout ce qu’il peut faire, c’est de lutter, à force d’audace et de génie, contre cette nature rebelle qu’il ne domptera jamais.

Pendant qu’il parlait ainsi, le jeune homme suivait sur le visage de Gretchen le reflet des émotions qu’il excitait dans son esprit. Elle avait cessé de voir et de penser par elle-même. Lorsque son père, qui était monté un instant sur le pont pour examiner le ciel et la mer, redescendit avec un air soucieux et effrayé de ce qu’il venait de voir, Gretchen pâlit. Près de s’affaisser, elle s’appuya sur l’épaule de Max, en répétant d’une voix tremblante :

— Vous nous sauverez, n’est-ce pas ? vous nous sauverez !

Max quitta la cabine un peu troublé. Il se reprochait déjà d’avoir évoqué par la pensée ce péril, qui commençait à se montrer comme un fantôme menaçant. Le courage qu’il s’attribuait dans les rêves de son imagination ne lui ferait-il pas défaut au moment du danger ? Songeant ainsi, il cherchait à comprimer les élans de sa pensée. Cependant le navire dressait au milieu d’un ciel sombre ses mâts dégarnis de voiles, qui ressemblaient à des arbres dépouillés de leurs feuilles