qu’il tient à la disposition, non-seulement de ses hôtes, mais des hôtes de ses amis.
Dès le matin, malgré un froid assez vif, une animation inusitée régna dans le village. Hommes et femmes allaient et venaient allègres et empressés. Lorsque dans nos campagnes il se célèbre une noce, tout le monde se met en frais, comme si tout le monde devait en être. Ce jour-là, on se lève de grand matin ; l’intérieur de chaque maison présente un aspect de propreté particulier ; ce jour-là aussi chacun fait un peu de toilette. La raison en est simple : une noce attire toujours des étrangers ; ces étrangers peuvent avoir des fils et des filles ; ces fils et ces filles peuvent être en état de se marier ; un choix peut se décider ; donc parens, jeunes gens et jeunes filles ont tous intérêt à produire une impression favorable.
Le fiancé, accompagné de ses proches, va de bonne heure au temple pour y faire sa prière ; il en sort à peu près vers huit heures pour aller au-devant de la fiancée, qu’on amène dans le péristyle de la synagogue. Là se trouve un banc à dos en acajou et chargé d’inscriptions hébraïques. On fait asseoir les deux fiancés sur ce banc ; le rabbin déploie sur leurs têtes un voile blanc, et sur ce voile les assistans répandent à l’envi des poignées de seigle et de froment, emblème de fécondité future. On peut le dire sans crainte d’être taxé d’impiété : au train dont vont les choses en Israël, cette formalité est presque superflue.
Quand je revins à la maison Marem, la cour était pleine et tumultueuse. Il y bourdonnait une foule confuse et bruyante, qui se pressait impatiente autour d’une table placée au milieu. Sur cette table étaient étalées des piles de gros sous et de pièces d’argent, formant à peu près une somme de cinquante écus. Un homme, — apparemment un ami de la maison, — était là, faisant décliner leurs noms et qualités à tous ceux qui s’approchaient. C’était une véritable Babel de costumes, de langages et de cris. Il y avait des hommes en blouse et en casquette, parlant à merveille le patois du pays : c’étaient des indigènes. D’autres portaient une redingote râpée, ornée de boutons bleus d’acier, un chapeau rond, un bâton de châtaignier surmonté d’une mèche de laine orange enlacée de fils de laiton ; leur allemand était un peu moins incorrect, quoique encore singulièrement baragouiné : c’étaient des voisins d’outre-Rhin. D’autres enfin, à la figure anguleuse, au front élevé, aux épaules carrées, portaient un couvre-chef à larges bords cachant mal de grosses boucles de cheveux noirs ; un cafetan de couleur douteuse, des bottes à revers autrefois cirées à l’œuf, étaient les pièces distinctives de leur costume ; ils prononçaient très distinctement u pour ou : c’étaient des sujets de sa majesté impériale l’autocrate de