M. Robert-FIeury est un homme d’un talent très fin, qui a fait ses preuves depuis longtemps. L’estime dont il jouit n’a pas attiédi son ardeur pour le travail. Il nous donne cette année un Charles-Quint à Saint-Just, dont le sujet est emprunté au livre de M. Mignet. Tous les personnages de cette composition sont bien conçus et d’un style élevé. Cependant cet ouvrage, qui se recommande par des mérites évidens, n’obtient pas le succès que l’auteur devait espérer. À quoi faut-il attribuer, je ne dis pas cet échec, mais ce mécompte ? Les figures sont dessinées avec élégance, la pantomime est vraie, les physionomies expressives. Il semble que les spectateurs devraient se déclarer satisfaits, et cependant ils témoignent peu d’empressement pour l’œuvre de M. Robert-FIeury. Si l’on prend la peine d’étudier avec attention les diverses parties dont se compose ce tableau, le mécompte de l’auteur s’explique facilement. D’abord il a souvent traité des sujets d’un intérêt plus vif, et puis il y a dans cette toile une part trop large faite aux accessoires. Il est utile sans doute d’indiquer la mesure de la salle où sont placés les personnages, mais il ne faut pas écrire avec tant de soin tous les détails de l’ameublement, car ces détails ne manquent jamais de distraire l’attention, et l’importance des personnages se trouve amoindrie. Avec moins de travail, M. Robert-FIeury aurait certainement réuni un plus grand nombre de suffrages. S’il eût consenti à éteindre les détails de l’ameublement, à diminuer l’espace, les physionomies auraient attiré toute l’attention, et personne ne fût demeuré indifférent au mérite du tableau. Tel qu’il est, malgré l’élégance du dessin, malgré la finesse de l’expression, il ne produit pas l’effet qu’il devrait produire. Ce n’est pas la première fois que l’auteur cède à la tentation d’écrire les détails, ce n’est pas la première fois qu’il éprouve un mécompte. Je n’ose espérer qu’il se rende aux objections que je lui soumets : c’est chez lui une habitude prise depuis longtemps, et pourtant, si le champ de son tableau était réduit de moitié, la valeur des figures serait doublée. Ce que je dis d’ailleurs se rapporte à une théorie dont tous les peintres studieux ont reconnu la justesse, et que M. Robert-FIeury n’ignore certainement pas, à la théorie du sacrifice. Vouloir tout montrer, c’est ne rien montrer avec avantage. Traiter l’architecture et l’ameublement avec autant de soin que les personnages, c’est le plus sûr moyen de diminuer l’intérêt de l’action.
Les compositions lilliputiennes de M. Meissonnier obtiennent en 1857 le même succès que les années précédentes. L’auteur de ces tours de force, de ces ouvrages de patience, a-t-il gagné, a-t-il perdu ? Il est demeuré ce qu’il était, habile, adroit, ingénieux. Il profite de l’engouement des spectateurs sans négliger la correction et la