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pureté, qui entrent pour une bonne part dans sa renommée. Jusqu’à présent, M. Meissonnier ne s’est pas encore enfermé dans un espace plus étroit que la paume de la main : nous devons lui en savoir gré, car s’il lui plaisait de prendre pour mesure l’ongle du pouce, il arriverait certainement à faire des prodiges. Ses spectateurs se muniraient d’une loupe et regarderaient ses personnages comme on regarde un ciron. Il se montre généreux et n’abuse pas de ses avantages. Ce n’est pas d’ailleurs le seul remerciement que nous devions lui adresser. Cette année, son meilleur ouvrage dépasse les proportions lilliputiennes auxquelles nous sommes habitués. Les personnages du tableau que l’auteur appelle la Confidence ne sont pas plus petits que ceux de Miéris et de Metzu : les deux têtes sont des modèles de finesse ; l’attitude est familière et convient au sujet. En un mot, c’est un ouvrage qui ne peut manquer de plaire à tous ceux qui aiment les flamands et les hollandais. Il y a pourtant dans la renommée de M. Meissonnier quelque chose de blessant pour les partisans de l’art élevé. L’auteur de la Confidence est un homme très heureusement doué, mais il ne justifie pas, par l’excellence de ses œuvres, le bruit qui se fait autour de lui. Il exécute avec beaucoup d’adresse de très petites figures qui expriment une très petite action, qui parfois même regardent un vieux livre ou les pièces d’un échiquier. La foule, émerveillée, bat des mains et le prendrait volontiers pour un sorcier. La récompense ne dépasse-t-elle pas la valeur de l’œuvre ? Quand l’attention se porte avec tant d’acharnement vers les tours de force, la cause du goût n’est-elle pas compromise ? Qu’on rende justice à M. Meissonnier, rien de mieux. Il ne faudrait pourtant pas donner à son mérite des proportions mythologiques, car on arriverait ainsi à décourager tous ceux qui n’ont pas encore essayé de peindre une fourmi. Ne confondons pas le talent avec l’invention, si nous voulons que l’invention prospère.

M. Gérôme s’est rendu à l’avis de ses meilleurs amis, à l’avis de tous ceux qui ont applaudi à ses débuts. Il a senti qu’il n’était pas appelé aux vastes compositions, ou que du moins il n’avait pas encore assez d’expérience pour s’aventurer dans les entreprises périlleuses. Le Siècle d’Auguste, malgré plusieurs morceaux habilement exécutés, était demeuré presque inaperçu ; la Sortie du bal masqué obtiennent aujourd’hui un succès très légitime. C’est, à coup sûr, un des meilleurs ouvrages de l’auteur. Le sujet lugubre qu’il a choisi est traité avec une effrayante vérité. L’affaissement du blessé qui va rendre l’âme, l’empressement et la désolation des amis qui l’entourent et le soutiennent dans leurs bras, le meurtrier qui regarde sa victime d’un œil effaré, le témoin qui essaie de l’entraîner, tout