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Si le côté principal de ce règne a été laissé dans l’ombre par la plupart des historiens du siècle dernier, il est éclairé désormais de lumières abondantes. Où trouver une érudition plus solide et des aperçus plus judicieux que dans les études administratives de M. Chéruel[1] ? Quel tableau atteindra jamais à la vivante vérité de ces Mémoires de Fléchier sur les grands jours, où l’ancienne administration est prise sur le fait, dans une occasion solennelle, et mise en scène avec une verve si piquante et un dégagement si imprévu[2] ? Qu’ajouterait la publication intégrale des huit cents volumes in-folio sortis du cabinet de Colbert à l’histoire de son ministère telle que M. Pierre Clément nous l’a donnée[3], et à la grande compilation de M. Depping[4] ? Enfin que reste-t-il à apprendre, en matière d’administration militaire et de stratégie, après la publication dont M. le général Pelet a fait le complément de cette histoire diplomatique de la succession d’Espagne, l’un des monumens les plus curieux et les plus originaux des lettres françaises dans notre temps ? en essayant une telle esquisse, on a certainement bien plus à redouter aujourd’hui l’abondance que la rareté des matériaux.


I

Dans l’histoire de notre administration, on peut suivre de siècle en siècle la lutte des deux forces dont le balancement a constitué la France. C’est d’une part le sol que ses conquérans conservent la prétention de régir et de défendre par les armes, un tel droit étant dans leur pensée le corollaire du droit même de possession ; c’est de l’autre la royauté représentant une unité morale à laquelle elle préexiste, et qui, en vertu d’un titre supérieur, revendique avec le droit de haute justice celui du haut commandement militaire, double prérogative dont elle ne tarde pas à déduire, comme une sorte de conséquence, le droit d’asseoir à son gré les impôts et d’en régler arbitrairement la perception. Les rois ne consacrèrent pas moins d’efforts à séparer la souveraineté politique de la possession territoriale

  1. Histoire de l’Administration monarchique en France depuis l’avènement de Philippe-Auguste jusqu’à la mort de Louis XIV, par M. Chéruel ; 2 vol. in-8o, Dézobry et Magdeleine.
  2. Mémoires de Fléchier sur les grands fours d’Auvergne en 1665, Paris, Hachette ; 1 vol. in-8o.
  3. Histoire de la Vie et de l’Administration de Colbert, précédée d’une Notice historique sur Nicolas Fouquet, par M. Pierre Clément ; Guillaumin, 1 vol. in-8o.
  4. Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV entre le cabinet du roi, les secrétaires d’état et les intendans et gouverneurs de provinces, etc., recueillie et mise en ordre par F.-B, Depping ; — collection inédite des manuscrits sur l’histoire de France, 4 vol. in-4o.