la capitale de la Grèce moderne. M. le baron Forth-Rouen était alors ministre de France ; il eut la bonté de me conduire au gîte des ossemens, près d’une ferme nommée Pikermi, au pied du mont Pentélique. Nous étions accompagnés de M. Amédée Damour, jeune Français qui s’est associé à mes divers travaux en Orient, et de M. Choerétis, directeur de la pépinière royale d’Athènes. En étudiant Pikermi, je reconnus que les ossemens fossiles avaient été déposés en couches par un ancien torrent, et comme les dépôts de ce genre peuvent couvrir de vastes étendues, je pensai qu’il y avait tout lieu d’entreprendre des fouilles sur une grande échelle. Lorsque je revins en France, je rendis compte de mes observations : l’Académie des Sciences voulut bien me charger d’une mission dans l’Attique, et bientôt je repartis pour ce pays, accompagné de M. Gustave Huzar, membre de la Société géologique de France.
À mon retour en Grèce, je trouvai le pays dans un état bien différent de celui où je l’avais laissé. Les événemens d’Orient avaient eu de funestes contre-coups. Une vive agitation régnait dans Athènes ; le gouvernement hésitait entre l’influence anglo-française et l’influence russe. Dans les campagnes, le désordre était à son comble. On se souvient qu’au début de la guerre il sortit de Grèce des bandes armées qui se jetèrent sur les villages de la Turquie. La France et l’Angleterre intervinrent pour protéger leur alliée, et les volontaires reçurent l’ordre de rentrer dans leurs foyers. Plusieurs d’entre eux refusèrent d’obéir, et s’organisèrent en troupes de klephles ou brigands ; ils se dispersèrent dans les campagnes, enlevant des habitans, des voyageurs, pour exiger ensuite des rançons exorbitantes. Le lendemain de mon débarquement au Pirée, on avait saisi un capitaine français et obtenu 30,000 drachmes pour sa rançon. Je fus d’abord très découragé. On m’affirmait qu’il était impossible de voyager dans l’intérieur de la Grèce, on me conseillait d’ajourner l’exécution des fouilles, et quelques personnes même m’engageaient énergiquement à retourner en France. Je savais cependant par expérience la faveur dont jouissent les étrangers auprès des Grecs ; depuis le roi et la reine jusqu’aux plus simples habitans des campagnes, chacun leur témoigne sa bienveillance. J’allai trouver les chefs du gouvernement : M. Botlis était ministre des affaires étrangères, et M. Christopoulos ministre de l’instruction publique ; grâce à la protection de ces hommes distingués, j’obtins une escorte suffisante pour me protéger, soit pendant mes fouilles à Pikermi, soit durant mes divers voyages. Ainsi entouré et bien armé moi-même, je partis pour commencer mes travaux.
Je ne saurais faire trop d’éloges des soldats et surtout des gendarmes grecs : leur intelligence, la gaieté et la vivacité de leur caractère, leur courage à supporter la fatigue des marches forcées,