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monte del grano. On sait en effet que Sévère, tué en Gaule, eut à Rome un très vaste tombeau, sepulcrum amplissimum. Cette désignation conviendrait bien au monte del grano, tumulus en maçonnerie dont la base a deux cents pieds de diamètre ; mais d’autres assurent que le tombeau d’Alexandre Sévère n’était pas là, que les deux figures couchées ne sont pas la sienne et celle de Mammée. Il m’en coûterait de renoncer à cette illusion archéologique, de ne plus voir dans le sarcophage du Capitole un témoignage de l’union du fils respectueux et de la mère dévouée, union constante pendant la vie et se continuant dans la mort.

Après Alexandre Sévère, on voit se succéder un certain nombre d’empereurs qui règnent peu de temps et font peu de choses, qui n’élèvent guère de monumens, et dont les images sont rares et parfois douteuses. Rome possède cependant les portraits de plusieurs de ces empereurs. J’en dirai donc quelques mots rapides comme la durée de leur puissance.

Il y a au Capitole, dans un coin sombre de la salle des empereurs, un buste de Maximin. On le reconnaît d’abord à un air sauvage qui devait n’appartenir qu’à ce pâtre goth devenu empereur romain, et dont l’avènement fut un premier avènement de la barbarie. Ce Maximin, qui avait sept pieds de haut, dont le poing, disait-on, brisait les pierres et fendait les arbres, qui mangeait quarante ou, selon d’autres, soixante livres de viande par jour, forme le plus parfait contraste avec l’aimable Alexandre Sévère, dont la figure est presque celle d’une jeune fille. Des intrigues de femmes avaient fait monter sur le trône Alexandre Sévère ; Maximin y fut porté par les soldats : tout le monde pouvait donner un maître aux Romains, excepté les Romains eux-mêmes. Cet homme singulier, avec les appétits de la brute et le naturel de la bête féroce, eut aussi quelques instincts de grandeur. Celui dont les cruautés inspiraient une telle terreur, que les femmes priaient les dieux qu’il ne vînt jamais à Rome, comme on disait au moyen âge : Seigneur, délivrez-nous de la fureur des Tartares (à Tarlarorum furore libera nos, Domine), a prononcé ces paroles d’une noble ambition : Plus je serai grand, plus je travaillerai. Puis les soldats se dégoûtèrent du Barbare, et, pour changer, voulurent d’un sénateur. Ils forcèrent à la pointe de l’épée un vieux proconsul à recevoir l’empire. Gordien eut beau se récrier, se coucher par terre ; les prétoriens tinrent bon. Menacé par leurs armes, le fer sur la gorge, Gordien fut revêtu de la pourpre, et le monde vit la comédie de l’empereur malgré lui. On lui adjoignit son fils. Le sénat ratifia les deux choix de l’armée. Le jeune Gordien fut tué dans la guerre civile, et son père, craignant d’être défait par un général de Maximin, se donna la mort pour sortir