mit au service de la croix. Une chose est surtout remarquable en lui, c’est ce regard profond qui semble contempler un objet lointain. Constantin regarde en avant. Il dirige un œil ferme sur l’avenir, pour lequel il a pris parti. Historiquement ce fut là sa gloire ; il comprit où allait le monde, et en le précédant il le suivit. Du reste, celui qui fit monter le christianisme sur le trône se montra peu digne d’être chrétien. Meurtrier de son fils, de sa femme, de son beau-père Maximien, de son beau-frère Licinius, il put faire dire aux païens qu’il avait embrassé le christianisme parce que c’était le seul culte qui lui rendit possible l’expiation de tant de crimes ; de plus, Constantin vendit cher à l’église les services qu’il lui rendit, il fut pour elle un protecteur hautain, tracassier, tyrannique, et même un allié peu fidèle. Il allait faire triompher Arius quand la mort frappa l’hérétique, protégé par le persécuteur de saint Athanase. Sans nier sa foi, qui paraît avoir été sincère, sans méconnaître ce que lui doivent de reconnaissance le christianisme et la civilisation pour le grand acte qui ajustement immortalisé son règne, des voix éloquentes et non suspectes se sont élevées pour signaler par cet exemple les dangers de la protection que le despotisme fait toujours payer à l’église, et que presque toujours il finit par lui retirer. Rome rappelle une autre preuve de la même vérité. Elle a vu de nos jours un empereur d’abord restaurateur du culte et faisant bientôt du pape son prisonnier.
C’est près de Rome que la cause du christianisme fut gagnée dans la bataille livrée par Constantin à Maxence. Nous savons que cette bataille eut lieu sur la rive droite du Tibre, à neuf milles de la ville, dans un endroit appelé les Roches-Bouges (saxa rubra). Les tufs volcaniques dont sont composés les rochers qui de ce côté dominent le cours du Tibre ont une couleur grise qui tire çà et là sur le violet, et Vitruve donne à certains tufs le nom de pierres rouges.
Au-delà de l’endroit où la Cremera se jette dans le Tibre, on voit une plaine assez étendue, dans laquelle la cavalerie qui décida la victoire de Constantin a pu se déployer. C’est là qu’il faut placer le champ de bataille, non loin du lieu qui vit l’héroïque mort des Fabius. La guerre contre Veïes était aussi une guerre décisive, mais seulement pour Rome. Le monde n’était pas intéressé, au moins dans le présent, à ce que la grande nation étrusque écrasât ou non le petit peuple romain ; mais aux Roches-Rouges il y allait de tout le genre humain comme de tous les siècles.
Il y a longtemps que les environs de Rome ne nous ont rappelé une bataille célèbre. À l’époque des rois, aux premiers âges de la république, le théâtre de la guerre était renfermé dans l’horizon romain ;