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maigrit rapidement et meurt au bout de quelques jours : le cœur, le foie, les poumons, sont dans un état morbide, et le sang est altéré et diminué. Par bonheur les tsé-tsé ne quittent pas les localités où ils se sont confinés, et les indigènes évitent ces endroits redoutables ; s’ils sont forcés, en changeant de pâturages, de traverser les cantons que le tsé-tsé fréquente, ils choisissent le clair de lune des nuits les plus froides, parce qu’alors cet insecte ne pique pas. Après avoir vu les bœufs et les mulets qui traînaient leur bagage décimés par cette mouche malfaisante, les deux voyageurs atteignirent enfin le Chobé, rivière affluente du Sescheké ou Zambèze supérieur. Des tribus de nègres grands et forts habitent ses rives. Leur chef Cébituane fit aux Européens un accueil bienveillant, et il se préparait à leur faciliter la continuation de leur voyage, quand il mourut subitement. Les blancs, et ce fait est remarquable au milieu de peuplades sauvages, ne furent pas accusés d’avoir provoqué ce malheur par leur présence, et ils séjournèrent près de deux mois parmi les sujets du chef défunt, qui les traitèrent constamment avec bienveillance.

Toute cette partie de l’Afrique est arrosée par des fleuves qui débordent à la saison des pluies. On y compte également nombre de lacs. Aussi le pays est-il fréquemment couvert par les eaux, qui, en se retirant, laissent derrière elles un sol fertile où se déploie une riche végétation. Les nègres qui peuplent la contrée sont divisés comme partout ailleurs en une foule de tribus dont les principales portent les noms de Barotsi, de Banyeti, de Batoko ; la plus puissante de toutes est celle des Makololo. Les Barotsi sont habiles à travailler le bois ; les Banyeti sont d’excellens forgerons et savent fort bien extraire le fer de leurs abondans minerais. D’autres tribus sont renommées pour les poteries qu’elles fabriquent. On voit que l’industrie n’est pas absolument étrangère à beaucoup de ces peuplades ; toutes d’ailleurs se livrent à la culture de plusieurs sortes de blé. Beaucoup d’objets manufacturés en Europe ont pénétré jusqu’aux bords du Chobé par les côtes de l’est et de l’ouest ; la plupart des Makololo possèdent des manteaux de flanelle et des étoffes imprimées. Les voyageurs apprirent que ces objets avaient été échangés contre des esclaves. Cet odieux trafic n’est cependant pas ancien dans le pays ; il n’y date, à ce qu’affirme M. Livingston, que de 1850. Le chef Cébituane avait le premier consenti à faire trafic de marchandise humaine, à l’instigation d’un chef de la côte. Ce commerce d’esclaves, qui trouve ses débouchés au Mozambique, menace de prendre une grande extension, et il n’y a, dit M. Livingston, qu’un moyen de l’entraver : c’est d’établir dans le pays un commerce fondé sur des bases plus morales.

Encouragé par l’accueil que lui faisaient les populations hospitalières répandues du N’gami au Chobé, le révérend Livingston entreprit à la fin de 1852 une nouvelle expédition, et, donnant cette fois pleine carrière à son esprit d’aventures, il résolut de ne s’arrêter qu’à Saint-Paul de Loanda, à la côte occidentale. Sur ces entrefaites, la Société de géographie de Paris lui avait décerné sa grande médaille d’or pour la découverte du N’gami. La nouvelle de cette récompense vint le trouver sur les bords du Chobé, où la fièvre le contraignit à faire auprès du chef Sekelétu, fils de Cébituane, un séjour de quelque durée. Ne voulant pas alors même demeurer inactif, il se