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Le second itinéraire, celui qui part de Baga-Moyo, aboutit, après un trajet égal en longueur au premier, à une grande ville très peuplée et très commerçante, disent les Maures, située sur les bords de la mer intérieure, et que les indigènes et les Arabes appellent Ujiji. C’est, il paraît, le principal entrepôt du commerce des noirs établis entre la mer Uniamesi et l’Océan-Indien. En ce lieu, la mer intérieure a des rives plates, et il faut trente jours pour la traverser à la rame. La voie est peu employée à cause des redoutables tempêtes de cette mer.

Le dernier itinéraire, celui qui a Quiloa pour point de départ, exige trente jours ; c’est vingt ou vingt-cinq de moins que les deux autres : par conséquent le lac est en ce point plus rapproché de la côte. En suivant cette direction, on voit s’abaisser successivement les hauteurs qui bordaient l’Océan-Indien, on arrive à un grand fleuve, le Rupuma, que l’on passe sur un pont de roseaux, où les naturels ont établi un péage de perles de verre, puis on arrive à la mer intérieure.

Tels sont les renseignemens que le missionnaire Ehrardt a recueillis. On ne peut désormais contester l’existence et l’importance de la mer Uniamesi ; mais il reste encore à y lancer une barque européenne pour la parcourir et la reconnaître d’une rive à l’autre. Une telle entreprise ne peut plus tarder beaucoup désormais, car l’Afrique n’est pas aussi inaccessible qu’on a eu lieu jusqu’ici de le craindre. Une grande expédition accomplie sur le Niger et le Tchadda montre qu’au prix de quelques précautions et d’une sage discipline, les missions européennes peuvent vaincre les obstacles d’un climat meurtrier aussi bien que les autres difficultés de ces régions sauvages et jusqu’à nous inconnues.


II

En 1851, l’amirauté anglaise apprit du docteur Barth, alors engagé au fond du Soudan, que le pays d’Adamawa, l’un des moins connus de cette région, était arrosé par un large cours d’eau qui, à en juger par sa direction, pouvait bien être le Tchadda, affluent du Niger. On résolut aussitôt de tenter une expédition fluviale pour vérifier cette hypothèse.

Personne n’ignore que la connaissance de l’embouchure du Niger est une des plus récentes conquêtes de la géographie. Une portion du cours supérieur de ce fleuve, mentionné jadis par Ptolémée, avait été visitée à plusieurs reprises par des Européens. Mungo-Park, Laing, Caillié, Clapperton, l’avaient touché et suivi en plusieurs points, mais ils n’avaient pu préciser la direction définitive que suit cette énorme masse d’eau, et cette incertitude avait donné naissance à de bizarres conjectures qu’il est inutile de rappeler. C’est à la fin de 1830 seulement (et cette découverte est due aux frères Lander) qu’on reconnut que le Niger se jette dans l’Atlantique, à la côte de Guinée, entre les golfes de Biafra et de Bénin. Une fois ce point établi, on multiplia inutilement les tentatives pour entrer en relations avec les peuplades riveraines. En 1832, MM. Laird, Oldfield et Allen pénétrèrent avec deux petits vapeurs à l’entrée du Tchadda ; mais leurs équipages, décimés par la fièvre, ne purent les conduire plus loin que la ville de Dagbo. En 1834, Richard