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avantage pour la religion. Mais, disait saint Augustin, qui peut mieux donner la mort à l’âme que la liberté de l’erreur ? En effet, tout frein étant ôté qui pût retenir les hommes dans les sentiers de la vérité, leur nature inclinée au mal tombe dans le précipice. » Et plus loin : « À cela se rapporte cette liberté funeste, et dont on ne peut avoir assez d’horreur, la liberté de la librairie pour publier quelque écrit que ce soit, liberté que quelques-uns osent solliciter et étendre avec tant de bruit et d’ardeur[1]. » La lettre du cardinal Pacca à Lamennais pour expliquer l’encyclique ne laisse aucun doute sur le sens de ces paroles : « Le saint-père désapprouve aussi et repousse même les doctrines relatives à la liberté des cultes et à la liberté civile et politique… Les doctrines de l’Avenir sur la liberté des cultes et la liberté de la presse… sont également très-répréhensibles et en opposition, avec l’enseignement, les maximes et la politique de l’église. Elles ont beaucoup étonné et affligé le saint-père, car si, dans certaines circonstances, la prudence exige de les tolérer comme un moindre mal, de telles doctrines ne peuvent jamais être présentées par un catholique comme un bien, ou comme une chose désirable[2]. » Voilà les déceptions auxquelles s’exposent les cœurs généreux et sincères qui croient pouvoir associer le catholicisme avec les tendances modernes. Presque toujours l’église elle-même se charge de leur faire sentir leur illusion et de leur apprendre que le parti qui réprouve toute idée libérale dans le sein du catholicisme est le seul conséquent. Ce n’est point à nous d’insister : l’inconséquence n’est jamais à nos yeux un reproche bien grave ; souvent c’est un éloge. Quand on a une fois aimé la liberté, il en reste toujours quelque chose. On peut l’oublier le jour où l’on est fort, on peut pécher gravement contre elle ; mais pour peu qu’on porte en soi de sang noble et d’instincts généreux, on se retrouve. Tout parti, quels que soient ses principes, est libéral en tant qu’il est parti, car pour servir sa cause il faut qu’il fasse appel à la liberté, et qu’il s’oppose à ce despotisme administratif qui tendrait à mettre en régie les forces intellectuelles et morales de l’humanité.

  1. « Atque ex hoc putidissimo indifferentismi fonte absurda illa fluit ac erronea sententia, seu potiùs deliramentum, asserendam esse ac vindicandam cuilibet libertatem conscientiæ. Cui quidem pestilentissimo errori viam sternit plena illa, atque immoderata libertas opinionum, quae in sacrae et civilis rei labem latè grassatur, dictantibus per summam impudentiam nonnullis, aliquid ex ea commodi in religionem promanare. At quæ pejor mors animæ, quam libertas erroris ? inquiebat Augustinus. Freno quippe omni adempto, quo domines contineantur in semitis veritatis, promit jam in praeceps ipsorum natura ad malum inclinata… Huc spectat deterrima illa, ac nunquam satis execranda et detestabilis libertas artis librariae ad scripta quaelibet edenda in vulgus, quam tanto convicio audent nonnulli efflagitare ac promovere. »
  2. Affaires de Rome, p. 131-132.