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du clergé anglican, que, depuis Burnet, il a trouvé en faveur du même précepte de meilleurs argumens. Il ne serait ni très sûr, ni très flatteur pour « nos femmes et nos filles « qu’on ne trouvât le droit de les protéger contre la séduction qu’en le faisant dériver de cet autre « droit de propriété » si étrangement accordé aux pères et mères.

Nous devons également croire que ce même clergé ne fournirait pas à un catéchumène de notre époque l’argument presque ad hominem que Rochester opposait à Burnet, en lui disant « qu’un des grands encouragemens a persévérer dans ses iniquités lui était venu des chrétiens eux-mêmes, et plus particulièrement des ecclésiastiques, qui, — s’offrant comme instructeurs et guides du prochain, — se conduisaient néanmoins de manière à laisser croire que leur foi prétendue n’était au fond qu’une solennelle mystification. L’ambition avec laquelle ils sollicitaient les faveurs de la cour, les moyens serviles qu’ils employaient pour les mériter, les animosités, les querelles que le plus léger motif suscitait parmi eux, lui avaient fait soupçonner que la religion, ainsi pratiquée par ses ministres, était un véritable attrape-nigauds, et qu’il n’y avait aucun fonds de vérité dans leurs exhortations où leurs sermons… » Burnet rejeta sagement sur l’infirmité naturelle aux hommes, voire aux meilleurs, ces fautes dont moins que personne il aurait pu contester la réalité. Il les représenta comme des exceptions malheureusement inévitables à un état de choses généralement régulier. C’est là du moins la somme de tous les raisonnemens à l’aide desquels il dit avoir apaisé les scrupules de sa trop clairvoyante ouaille. Si cette argumentation était nouvelle au pécheur moribond, il faut convenir qu’il avait jusqu’alors joué de malheur. Si, bien portant, elle lui avait paru insuffisante, et si, malade, elle le convainquit, nous devons en conclure qu’il est pour l’agonie de véritables « . grâces d’état. »

Dès que les dispositions repentantes de Rochester purent être connues, les convertisseurs ne lui manquèrent pas. L’évêque d’Oxford, le docteur Marshall, recteur de Lincoln’s Collège, Parsons, le chapelain de sa famille, vinrent tour à tour affermir dans sa nouvelle voie cette âme ébranlée, qui peu à peu se laissa vaincre. Le moment où elle se trouva tout à fait domptée fut, paraît-il, celui où on lut à Rochester le cinquante-troisième chapitre d’Isaïe[1]. Il y vit une prophétie

  1. C’est celui où se trouvent ces passages frappans : « Qui a cru à notre prédication ? A qui le bras de l’Éternel a-t-il été visible ?… Et cependant il est monté comme un rejeton devant lui, comme une racine sortant d’une terre altérée… Homme de douleur, il est le méprisé, le rejeté des hommes… Il a été navré pour nos forfaits, froissé pour nos iniquités… L’amende qui nous apporte la paix a été sur lui, et par sa meurtrissure nous avons la guérison… Il a été mené à la boucherie comme un agneau, et n’a pas ouvert la bouche,… etc. »