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time qui aurait dû conduire Mme Beecher Stowe à une étude plus pénétrante des phénomènes de la civilisation de l’ancien monde. Avec un peu plus de curiosité Beecher Stowe aurait pu écrire un livre plein d’attrait sous la forme de souvenirs de voyage. C’eût été vraiment le livre des impressions d’une Amérique sur le vieux continent.

Au nord de l’Europe, il s’agite toujours une question qui n’a ni le degré d’intérêt de l’affaire des principautés, ni cette sorte de grandeur mystérieuse des affaires des Indes, et qui n’émeut pas moins l’Allemagne : c’est la question danoise, question à double face, diplomatique par les difficultés qu’elle a fait naître entre le cabinet de Copenhague et les puissances allemandes, nationale et constitutionnelle par les divisions qu’elle entretient entre les différentes parties de la monarchie danoise. Les états provinciaux du Holstein sont réunis depuis le 15 août à Itzehoe, et c’est là justement que cette confuse querelle se débat aujourd’hui. Le gouvernement danois a certes prudemment agi en offrant aux duchés un moyen d’exprimer leurs griefs, en faisant le premier pas vers la conciliation ; il reste a savoir si cette prudence, bonne conseillère, inspirera les duchés aussi bien que les puissances allemandes qui attendent le résultat des délibérations des états du Holstein pour savoir si leur intervention doit aller plus loin ou s’arrêter. C’est une grande affaire pour l’Allemagne, qui a pris à cœur la querelle des duchés, et qui ne renonce pas aisément à ses prétentions. Le gouvernement danois, on le sait, a fait soumettre aux états d’Itzehoe un projet de constitution particulière pour le Holstein, ou, pour mieux dire, une révision de la constitution du 11 juillet 1854, qui était conçue dans un esprit entièrement absolutiste. Le nouveau projet, en maintenant un certain caractère conservateur et aristocratique exigé par la confédération germanique, se rapproche en quelques points des principes constitutionnels. Le gouvernement danois a tenu compte autant qu’il le pouvait des opinions et des demandes formulées par les états eux-mêmes dans leur dernière session, et en même temps il a inscrit dans la constitution nouvelle quelques dispositions libérales, notamment la responsabilité ministérielle, l’inamovibilité des juges, le droit de réunion et de pétition. Il s’est appliqué d’ailleurs à déterminer les affaires particulières auxquelles s’étend la juridiction provinciale. C’était là évidemment une concession faite par le Danemark pour le bien de la paix, pour calmer toutes les irritations soulevées dans les duchés, pour ôter tout prétexte à l’intervention diplomatique de la Prusse et de l’Autriche. Le nouveau projet a néanmoins provoqué de vives objections, dès qu’il a été connu. On lui a reproché de ne pas tenir compte de tous, les droits des duchés, d’être peu explicite sur certains points, tels que la question des domaines, de ne pas parler de la représentation du Holstein dans l’ensemble de la monarchie, ce qui signifie que cette représentation reste telle qu’elle a été fixée.

Le projet du gouvernement danois a donc trouvé des censeurs de tous côtés, un peu à Vienne et à Berlin peut-être, et principalement à Itzehoe, où les premières séances des états ont révélé l’esprit persistant d’opposition de la chevalerie holsteinoise. Tout d’abord le président nommé par l’assemblée a été M. de Scheel-Plessen, connu pour être l’âme et le guide du parti aristocratique. Le choix du président des états pourrait s’expliquer encore après tout par la position personnelle de M. de Scheel-Plessen, sans avoir