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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/244

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soit vraie. Il est certain aussi que notre agriculture a une tendance marquée à semer beaucoup, dans l’espoir de beaucoup récolter, tandis que la marche contraire est la plus sûre, et on ne saurait lui trop répéter de demander plus à l’engrais qu’au sol lui-même. Sous ce rapport, M. Lecouteux a rendu un grand service, en éclairant, par une foule de preuves et de développemens, ce point capital.

Outre la partie agricole proprement dite, le livre de M. Lecouteux contient toute une partie économique. J’aurais mauvaise grâce à le louer, car l’auteur partage la plupart des idées que j’ai moi-même essayé de répandre, et qui ne sont que l’application des principes généraux de la science économique aux questions agricoles. Tout ce que je puis dire, c’est que je suis heureux de voir ces idées si vigoureusement adoptées et soutenues par, un praticien distingué qui a plus que personne autorité pour leur donner accès parmi les cultivateurs. Il les place, ainsi que moi, à l’abri du nom respecté de M. de Gasparin, ancien directeur général de l’institut national agronomique. Je ne vois qu’un point où nous différions, c’est la question des impôts. M. Lecouteux adopte l’opinion de ceux qui préfèrent les impôts indirects aux impôts directs, et semble conclure à l’augmentation des uns pour diminuer les autres. Je ne puis partager cet avis. Il n’y a rien à faire d’utile en remaniant notre système d’impôts, ce système est le meilleur qui existe, ce qui ne veut pas dire qu’il soit la perfection même, mais ce qui doit rendre très circonspect quand il s’agit d’y changer quelque chose, et il a de plus un grand mérite en pareille matière : c’est la durée, l’habitude, la perception régulière et facile. En demandant un tiers environ du revenu public aux impôts directs et les deux autres tiers aux impôts indirects, ou a établi entre ces deux sources de revenu la proportion qui paraît la meilleure, et, dans tous les cas, la plus favorable à la propriété foncière. Avant tout, il ne faut augmenter en France aucun impôt ; il vaut mieux tendre à les diminuer, en maintenant dans l’administration des deniers publics une économie sévère, et si jamais l’heureux moment de cette réduction d’impôts venait à sonner, ce n’est pas par l’impôt direct qu’il faudrait commencer. L’impôt direct est loin d’être exagéré chez nous ; certains impôts indirects prêtent beaucoup plus à la critique, même au point de vue de l’intérêt agricole ; tel est par exemple l’impôt sur les mutations immobilières, celui de tous qui devrait être supprimé ou réduit le premier. À part cette dissidence, les opinions économiques de M. Lecouteux nous paraissent excellentes ; comme lui, nous sommes partisans de la liberté commerciale, ennemis de l’excès de centralisation, et, comme lui, nous sommes convaincus que la prospérité future de l’agriculture dépend beaucoup plus de l’initiative individuelle que de l’action de l’état.

L. de Lavergne.



V. de Mars.