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où s’élevait ce merveilleux édifice de l’exégèse biblique, chef-d’œuvre de critique pénétrante et de rationalisme élevé ! » J’ai déjà dit que l’esprit de M. Renan était religieux par-dessus tout ; les paroles que je viens de citer nous montrent avec quelles préoccupations il a étudié la critique allemande. L’histoire des religions dédaignée jusque-là, ou du moins laissée de côté par des gens qu’elle effrayait, fut précisément ce qui l’attira tout d’abord. Où en était cette science quand M. Renan l’interrogea ? Quelles ressources pouvait-il y puiser ? quels amendemens y devait-il faire ?

Je n’ai pas la prétention de raconter en quelques pages la marche de l’exégèse allemande depuis le jour où Reimarus écrivait les Fragmens d’un inconnu, et Lessing l’Education du genre humain. Il faudrait pour cela tout un livre. Marquons seulement le point où la critique était arrivée après un demi-siècle de labeurs. Or, à force de méditations et de recherches, les maîtres de la théologie en étaient venus à proclamer que toutes les religions sont sorties.du cœur de l’homme et n’expriment que ses aspirations vers l’infini, aspirations naturellement bien différentes selon les contrées et les siècles. On croit qu’elles nous révèlent les cieux, elles nous révèlent seulement l’état de notre âme. Tels sont les principes qui dominent la théologie germanique depuis le manifeste de Lessing. Elle les accepta instinctivement tout d’abord, comme on le voit dans Herder ; puis elle leur donna bientôt une adhésion réfléchie, et les proclama avec une éclatante audace. Quel moment, dirai-je à mon tour, que celui où de telles hardiesses se conciliaient avec le plus pur sentiment religieux ! Quel moment que celui où Schleiermacher, cette belle âme si hardie et si pieuse, n’avait pas encore frayé la route au docteur Strauss ! Ce ne fut, ce ne pouvait être qu’un moment. Une fois les religions considérées comme des œuvres exclusivement subjectives, il ne restait plus qu’à appliquer le principe ; la mission de Jésus traitée de mythe, l’idée du genre humain et l’idée de Dieu confondues, le culte de l’humanité substitué par quelques-uns à l’adoration du Créateur, ce culte même repoussé comme une hypocrisie, et le droit divin de l’individu proclamé d’une voix sauvage, voilà les principaux épisodes de cette histoire. M. Renan veut rectifier la marche de la théologie allemande, qui, selon lui, s’est détournée de sa voie en substituant la violence à la hardiesse, l’inspiration de la haine à l’esprit de la critique. Hegel avait montré que tous les grands systèmes de philosophie s’engendrent les uns les autres ; des esprits présomptueux ont tiré de là d’étranges conséquences, et le mérite des systèmes n’était plus pour eux qu’une simple question de date. Ces mots neuere Philosophie, neueste Philosophie (philosophie plus nouvelle, philosophie la plus nouvelle), étaient arborés comme un drapeau de victoire. On avait parlé le