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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/274

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spirituelle et religieuse. Ici surtout s’applique la profonde conception des trois ordres si magnifiquement exposée par Pascal, ordre de chair, ordre d’esprit, ordre de charité. Toutes ces objections contre la divinité du Christ sont empruntées à l’ordre d’esprit ; mais, dit Pascal, « la distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité. » Les grands de chair ont leur empire, visible aux yeux du corps ; les grands d’esprit ont le leur, visible aux yeux de l’esprit ; « les saints sont vus de Dieu et des anges, et non des corps ni des esprits curieux. » La critique nouvelle aura beau faire, jamais elle n’appliquera utilement à l’ordre du cœur les principes empruntés à l’ordre de la pensée. Les œuvres des princes de la science peuvent être discutées par la science : le royaume du Christ est d’un autre ordre. Citons encore Pascal : « Jésus-Christ, sans bien et sans aucune production en dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné d’invention, il n’a point régné ; mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Oh ! qu’il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence, aux yeux du cœur et qui voient la sagesse ! »

Pour peu qu’on médite ces sublimes paroles, on y voit une objection fondamentale contre l’histoire des idées religieuses. Comment comprendre la foi, si on ne la possède pas ? Et si la foi est entière, que deviennent la finesse et la liberté de la critique ? Telle est, hélas ! l’infirmité de la nature humaine : la foi toute seule ne peut juger, la critique toute seule ne peut comprendre. L’idéal serait de réunir en soi la foi et la critique ; cet idéal, je le sais bien, est impossible à atteindre ici-bas, mais ce n’est pas une raison pour renoncer à le poursuivre, et ceux qui tentent l’accord de ces deux forces sont récompensés par des jouissances inconnues à l’esprit étroit des fanatiques. Ce qui fait la vivante beauté de la théologie allemande, ce n’est pas seulement sa hardiesse, si bien appréciée de M. Renan, c’est l’effort que font ses principaux chefs pour réaliser cette merveilleuse harmonie. Où trouverait-on ailleurs des hommes tels que Schleiermacher, Baur, Ewald, Bunsen, intelligences hardies jusqu’à la témérité, cœurs pieux toujours dévoués au Christ ? Et dans quelle autre littérature verrait-on un théologien comme M. Volkmar terminer l’exposition la plus hardie de l’histoire évangélique par ces confiantes paroles : « Toutes nos fêtes chrétiennes, toutes nos cérémonies et nos sacremens, Noël, le vendredi saint, Pâques, la sainte communion, le service divin, tout cela sera goûté par nous plus vivement à mesure que nous serons plus intimement unis à Dieu en Jésus-Christ ? Pour cela, il faut avoir une conscience religieuse toujours plus claire, et c’est ce qu’a voulu produire cette loyale