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Parmi les reproches que l’on fit à ce document, quand il parut, il y en avait deux qui n’étaient pas dépourvus de tout fondement. On l’accusait de manquer d’invention sur beaucoup de points, d’érudition sur d’autres, de ne pas tout dire et de conclure faiblement. À l’appui de ces reproches, on citait des institutions de prévoyance qui avaient réussi tant en France qu’en pays étrangers ; et auxquelles le rapport semblait refuser jusqu’aux honneurs d’une mention. Telles étaient les objections ; même alors il eût été facile d’y répondre. Comme tous les travaux législatifs, celui-ci avait un caractère de circonstance : il s’agissait de dissiper les ténèbres dont l’air était rempli, et pour cela mieux valait ressaisir le flambeau des vérités générales que s’égarer à la recherche des moyens de détail, toujours sujets à contestation, exaltés par les uns, décriés par les autres, sans qu’aucun accord puisse s’établir ni sur la nature même de ces moyens, ni sur les conséquences que l’on doit en tirer.

Depuis ce temps, les faits ont marché et nous offrent un témoignage bon à recueillir. Presque tous les expédiens dont l’attention publique était saisie il y a sept ans ont été l’objet d’applications plus ou moins étendues. On a épuisé, en faveur des classes que visite la misère, la mesure des soulagemens possibles et mis notamment à l’essai une partie des combinaisons qui s’étaient produites en 1850 sous forme de conseils. Ainsi les sociétés de secours mutuels et les caisses de retraite pour la vieillesse ont vu leurs cadres s’élargir et leurs statuts se fixer ; par tous les moyens, on a cherché à encourager et à développer l’habitude de l’épargne et le sentiment de la prévoyance. Même soin pour ce qui touche à la santé et au bien-être des populations : la loi sur les logemens insalubres et la construction des cités d’ouvriers ont eu ces deux objets en vue. On y a, comme raffinement, ajouté des bains et des lavoirs publics. Que rappeler encore ? Les faits abondent, et il faut s’en tenir aux plus décisifs. Pour obvier au renchérissement des denrées alimentaires, on a maintenu, à l’aide de grands sacrifices et pendant plus de deux années, la taxe du pain au-dessous du coût réel et créé, dans les quartiers populeux, des fourneaux économiques où la viande était débitée à des prix réduits. En même temps on imprimait au travail une activité un peu artificielle, pour qu’à la hausse des subsistances correspondît une élévation au moins équivalente des salaires.

Qui n’aurait cru à la puissance de ces mesures combinées, et ne semblait-il pas que la misère dût battre en retraite devant elles ? On avait dépassé ce que la philanthropie la plus exigeante peut entrevoir et indiquer à titre de vœu ; on avait emprunté aux pays voisins les institutions les plus compatibles avec nos habitudes et nos mœurs, et poussé jusqu’à l’extrême limite les secours des villes et de l’état.