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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/332

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concilier les bonnes grâces du cheik étaient traités avec le plus d’indulgence. Mêmes abus quand il s’agissait des corvées d’hommes, des emprunts de chevaux, d’ânes, de chameaux, de bestiaux demandés par le gouvernement. Le cheik choisissait les hommes ; il disait où l’on devait prendre les animaux. Bref, il était sultan dans son village, et comment n’aurait-il pas abusé de ce pouvoir absolu dans un pays où l’autorité s’est montrée tyrannique à tous les degrés de la hiérarchie depuis les temps les plus reculés ? Quelques cheiks se distinguèrent sans doute par un esprit de justice au moins relatif : ils s’intéressaient à la prospérité de leurs villages, ils prenaient à cœur les intérêts des habitans, mais c’était le très petit nombre.

Mohammed-Saïd a réduit ces fonctionnaires au rôle qui leur convient. Pour le recrutement, il a substitué à la désignation arbitraire du cheik le tour de rôle réglé d’après les relevés des naissances ; poulies contributions, il a rendu également toute exaction impossible en faisant établir des registres où chaque contribuable est inscrit pour une somme déterminée. Il a enfin aboli les corvées et enlevé aux cheiks le privilège de vexer le paysan en lui prenant son cheval, son chameau ou son bœuf pour le service du gouvernement.

Après avoir ainsi réformé le système administratif dans les provinces, il fallait reconstituer le gouvernement central même sur des bases toutes nouvelles. Le vice-roi a pris un généreux plaisir à limiter lui-même l’exercice de son pouvoir absolu, à faire contrôler publiquement l’usage des revenus de l’Égypte, dont la loi du pays lui attribue la libre et entière disposition. Il a donc créé un conseil d’état qui discute les décrets d’intérêt général avant qu’ils soient présentés à sa signature ; le pouvoir de cette assemblée est très réel, et dernièrement encore elle a donné une preuve de son indépendance en rejetant un projet qui lui avait été présenté par l’ordre du vice-roi pour la concession d’un privilège de remorquage sur les canaux intérieurs de l’Égypte. Mohammed-Saïd a de plus institué un ministère des finances, où fonctionne une comptabilité sérieuse qui ne souffre ni malversations ni gaspillage.

Au demeurant, l’administration générale de l’Égypte se trouve aujourd’hui constituée ainsi : — trois ministères, le ministère de l’intérieur, le ministère des finances, le ministère de la guerre ; — un conseil d’état, sous le nom de conseil civil, chargé de l’examen des affaires judiciaires et contentieuses et de l’élaboration des règle-mens généraux d’administration ; — des préfets de départemens ou maimours ; — des chefs de villages ou cheiks-el-beled.

On trouve encore trace du désir d’écarter tout intermédiaire inutile entre le souverain et le peuple dans la réforme qu’a subie l’organisation judiciaire. Mohammed-Saïd a voulu faire entrer dans les