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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/338

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des provinces et surtout pour la répression du brigandage, auquel se livraient les Bédouins ; aujourd’hui elle répond à toutes ces nécessités, grâce à l’établissement d’un camp retranché placé entre le Nil et le chemin de fer d’Alexandrie à Suez et à portée des lignes télégraphiques. La nouvelle des déprédations que les Bédouins pourraient être tentés de commettre serait portée par la télégraphie électrique[1] au camp de Saydieh avec une très grande rapidité, et soit au moyen de la flottille à vapeur que le vice-roi entretient constamment sur le Nil, soit en se servant du chemin de fer, les forces militaires seraient rendues très promptement à l’endroit où leur présence deviendrait nécessaire.

Il y a des Arabes nomades par centaines de mille en Égypte ; ils vivent dans le désert, mais sur la lisière du pays cultivé. Habiles au maniement de leurs armes, braves et excellens cavaliers, ils étaient adonnés autrefois au pillage. Leur hardiesse était poussée à ce point qu’ils interceptaient le chemin du Caire aux pyramides, et que les voyageurs ne pouvaient aller visiter ces monumens, en vue de la capitale de l’Égypte, sans s’exposer à être dévalisés. Méhémet-Ali entreprit de faire rentrer dans l’ordre ces bandes, qu’aucun autre gouvernement n’avait pu dompter avant lui. Un de ses fils, Ismaël, de cette race albanaise, si énergique, mais si dépourvue de scrupules, qu’en Égypte, amis et ennemis redoutent également, fut chargé de réduire les Bédouins. Le prince disposait d’une forte division toujours prête à monter en selle, et dès qu’il apprenait qu’un parti de ces pillards avait fait une razzia dans un village, sur une caravane ou sur des voyageurs isolés, il partait à toute bride, tombait sur la tribu à laquelle appartenaient les voleurs et la livrait à ses soldats. Ces exécutions, aussi rapides que terribles, jetèrent l’effroi dans l’âme des Bédouins. Pour la première fois ils songèrent à la soumission, et bientôt la nécessité leur en fut si bien démontrée, qu’ils renoncèrent à des habitudes de brigandage enracinées et transmises de génération en génération depuis des siècles. L’Égypte devint alors ce pays paisible où les crimes sont si rares et où les voyageurs sont partout en sûreté. Aujourd’hui les Bédouins sont si parfaitement soumis, qu’on a cru pouvoir leur confier la police du territoire. Leurs tribus sont responsables des crimes commis dans la région où elles sont campées, et elles sont ainsi les premières intéressées à la tranquillité. Toutefois ce bon ordre n’est maintenu parmi elles qu’à la condition qu’elles se sentent toujours sous le coup de représailles. Si le gouvernement cessait de leur faire sentir le frein, elles retomberaient bien vite dans leurs anciens écarts, et la sécurité des habitans et des voyageurs serait de nouveau compromise.

  1. La télégraphie électrique fonctionne sur toute l’étendue du parcours d’Alexandrie au Caire.