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toute la loyauté et la fermeté nécessaires, ce régime a donné des résultats déjà très remarquables.

Depuis 1838, le commerce extérieur d’Alexandrie a suivi une progression constante. L’augmentation a été de 15 pour 100 sur 1838, de 41 pour 100 sur 1839, de 78 pour 100 sur 1840. En 1841, le mouvement commercial du port d’Alexandrie, entrée et sortie, était de 81,173,000 francs. Dix ans plus tard, il s’élève à près de 103 millions de francs. En 1852, il atteint 121 millions de francs ; en 1854, 123,261,964 fr. ; en 1855, 168,301,886 francs ; en 1856, 183,901,913 fr. Ces résultats, déjà fort satisfaisans, sont néanmoins peu de chose auprès de ce qu’on a le droit d’attendre d’une terre aussi fertile que l’Égypte pour peu que l’on continue à laisser les cultivateurs libres de produire et libres d’exporter comme aujourd’hui. Dans cet admirable pays, il n’y a qu’à laisser agir la nature. Le reste va de soi. Un fait du reste peut servir à démontrer le développement considérable qu’a pris l’activité commerciale en Égypte : c’est que la spéculation sur la place d’Alexandrie a déjà les allures fiévreuses qui la caractérisent dans quelques grandes villes de l’Europe. Là, comme sur notre continent, des fortunes s’élèvent et disparaissent avec une rapidité féerique. On achète sur parole des produits dont on ne prend jamais livraison et qu’on cherche à revendre avec bénéfice. Ce bouillonnement à la surface n’empêche pas heureusement que le fleuve ne coule à pleins bords, avec calme et profondeur. Ce que le commerce fait pénétrer chaque jour de bien-être dans l’intérieur de l’Égypte, ce qu’il y répand d’aisance est incalculable. Il y sème aussi des idées d’ordre, de travail ; il y encourage les progrès de la culture. La transformation est si grande, que le commerce intérieur passe déjà dans les mains des habitans du pays, qui finiront par en disposer entièrement. Leur connaissance parfaite des usages locaux, leur sobriété, leur économie sévère rendent leur concurrence très redoutable pour les agens des négocians européens.

Aujourd’hui la plupart des barques chargées de grains, de coton et autres denrées qu’on voit passer sur le canal Mahmoudieh, à destination d’Alexandrie, sont frétées et même conduites par des habitans de l’Égypte qui ont acquis directement ces produits des cultivateurs dans l’intérieur du pays, et qui les livrent aux négocians européens d’Alexandrie avec un bénéfice notable. Ces achats sont toujours payés comptant, en espèces. Des échanges opérés dans de telles conditions sont nécessairement très profitables aux commerçans égyptiens. Pendant mon séjour à Alexandrie, au mois de décembre 1856, un des négocians les mieux placés de cette ville me disait qu’il venait de faire compter, en échange de marchandises, 400 guinées en or (10,000 francs) à l’une de ces femmes indigènes