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lumières, c’était en elle-même une tentative excellente, mais qui demandait pour réussir des efforts persévérans et une direction intelligente. Or le gouvernement de Méhémet-Ali eut un tort : ce fut de ne pas tenir compte des spécialités. Tel élève qui avait étudié la marine fut employé dans l’armée de terre ; tel autre qui avait étudié l’administration fut occupé à traduire des ouvrages militaires. Il en résulta que la mission ne profita pas sensiblement à l’Égypte. Les élèves, déclassés dans leur pays, employés à des travaux auxquels ils ne s’étaient pas crus destinés, ne pouvaient manquer de céder à l’entraînement général ; ils ne tardaient pas à modeler leur conduite sur celle de tous les autres fonctionnaires, à oublier tout ce qu’ils avaient vu, tout ce qu’ils avaient appris, tout ce qu’ils avaient pensé. Pourtant le germe d’une civilisation supérieure ne pouvait manquer de s’étendre avec le nombre des élèves que le gouvernement égyptien n’a pas cessé d’envoyer en France. Bien que cette mission fort coûteuse ait produit peu de résultats jusqu’à ce jour, il est impossible qu’à la longue l’administration du pays n’en tire pas profit[1].

Si le gouvernement égyptien n’a pas réussi encore à organiser un système d’instruction satisfaisant, il a été plus heureux quand il s’est agi de favoriser, par de grands travaux publics, cette renaissance industrielle de l’Égypte, commencée par Méhémet-Ali, et qui peut être regardée comme un des élémens de sa régénération morale. Parmi ces travaux, un des premiers par l’importance des résultats déjà obtenus est sans contredit le chemin de fer qui unit Alexandrie à Suez, et qui d’abord ne devait aller que du Caire à la Mer-Rouge.

Vers l’année 1837, au moment où le chemin de fer de Liverpool venait d’être terminé, le gouvernement anglais fit à Méhémet-Ali des ouvertures pour l’établissement d’une voie ferrée du Caire à Suez. Il est remarquable que la première pensée de ce gouvernement, dès qu’il vit Londres unie au principal port de commerce de la Grande-Bretagne, et avant même de commencer les autres travaux qui devaient plus tard couvrir de railways les îles britanniques, fut d’accélérer par l’Égypte ses communications avec l’Inde. Toujours prêt à encourager toutes les entreprises qui pouvaient seconder son activité réformatrice, Méhémet-Ali, sans plus ample informé, commanda le matériel nécessaire ; mais il eut tout aussitôt à compter avec la politique européenne. La France en particulier ne vit pas sans répugnance un projet qui, d’après les termes de la proposition faite au pacha, pouvait mettre l’Égypte entre les mains des Anglais. Une mesure de prudence que prit alors Méhémet-Ali vint rassurer tous

  1. L’école égyptienne compte encore à Paris vingt élèves. Le vice-roi vient de les placer sous la direction d’un conseil d’études qui est très capable de donner à l’école une impulsion féconde.