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au Gebel-Awebet. L’ingénieur chargé de l’exécution du railway a dû se proposer premièrement de ne point entamer les propriétés, secondement de tourner la difficulté que présentait le Gebel-Awebet, en l’abordant par le point le moins élevé et le plus aisé à franchir.

Au sortir du Caire, le tracé s’élève au nord, contourne les terres cultivées. Il incline ensuite à l’est en suivant le versant septentrional de la croupe montagneuse, tandis que la route de poste longe le pied du versant méridional. Parvenu au Gebel-Awebet, il rencontre un pli de terrain situé à 240 mètres seulement d’élévation, et il s’y engage, tandis qu’à quelques kilomètres au sud la route de poste franchit un col à 60 mètres au-dessus. Le chemin tourne alors droit au sud, et se dirige vers Suez en passant sous le fort d’Agerout. Le développement total de cette voie ferrée sera de 136 kilomètres. Au début, les travaux furent frappés d’une assez grande lenteur. Commencés en septembre 1855 avec quelques centaines d’hommes, les terrassemens n’ont pu être très vivement menés au sortir du Caire, parce que la ligne de terrains cultivés qu’il a fallu nécessairement traverser sur un espace de 5 kilomètres, le plus étroit qui se soit rencontré dans cette direction, n’a pu être ouverte qu’au fur et à mesure de l’enlèvement des récoltes ; puis l’opération a été un moment suspendue par l’entreprise immense du curage du Mahmoudieh et par les fêtes du ramadan. Le premier rail n’a été posé qu’en janvier 1856. Il a servi dès lors pour porter de l’eau, des vivres aux ouvriers, ainsi qu’au transport des matériaux. Au mois de septembre 1856, on n’avait poussé les terrassemens qu’à une distance de 13 kilomètres et posé les rails que jusqu’à 9 kilomètres 1/2. À cette époque, le vice-roi, qui méditait un voyage dans le Soudan, prit les mesures les plus vigoureuses pour hâter la construction du chemin et l’achever, s’il était possible, dans le délai d’une année. L’ingénieur chargé du travail, M. Mouchelet, demandait un effectif régulier et permanent de quatre mille ouvriers. Saïd-Pacha résolut de tripler ce nombre. Les gouverneurs de provinces reçurent l’ordre de réunir leurs contingens et de les conduire en personne sur le terrain. Ces prescriptions furent exécutées. Non-seulement le nombre d’hommes requis fut rassemblé, mais encore on pourvut à tous leurs besoins ; on leur distribua du pain frais qu’une locomotive apportait chaque jour. C’est à ces soins, à cette sollicitude qui s’étendent jusqu’aux plus humbles des sujets qu’on reconnaît un prince vraiment libéral et digne de gouverner. Une fois réunis en nombre suffisant, les ouvriers se mirent à la besogne avec une activité sans égale. Sous ces milliers de bras, la chaussée semblait se mouvoir d’elle-même et s’avançait peu à peu, lentement, mais toujours, comme la lave creusant son lit dans les montagnes. Les terrassiers